La PAN validée pour les marchés d’assurances

Encore peu utilisée par les acheteurs, la procédure avec négociation (PAN) permet une phase d’échanges et de négociation avec les soumissionnaires lorsque par exemple le besoin est impossible à satisfaire avec des offres sur étagère. Un tribunal administratif vient de juger qu’elle pouvait être actionnée dans le cas d’un marché d’assurance.

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La procédure avec négociation, qui autorise les échanges avec les candidats au-dessus des seuils européens, est peu prisée des acheteurs. Entre le 1er septembre et le 1er décembre, on n’en recense qu’une vingtaine publiée au BOAMP, dont presque la moitié à l’initiative des services du ministère des Armées. Son caractère dérogatoire l’explique sans doute.

Utilisable lorsque les spécifications sont compliquées à définir

Elle ne peut en effet être actionnée que dans six hypothèses (cf article R.2124-3 du Code de la commande publique), notamment lorsque le besoin est innovant, qu’il ne peut être satisfait sans adapter des solutions immédiatement disponibles, que le pouvoir adjudicateur a des difficultés à définir les spécifications techniques ou que le marché s’avère compliqué à monter.

Parmi les principales décisions de justice, le dispositif a ainsi reçu l’imprimatur du juge administratif pour la construction du pôle hospitalier public-privé de Voiron en raison de la complexité inhérente à un tel ouvrage (TA de Grenoble, 14 octobre 2017, n °1704739) ou d’un marché de services d’interprétariat au vu du nombre de sites concernés et de leur répartition géographique (TA Montreuil, 2 août 2019, n°1907610).

L’acheteur n’adhère pas un contrat prêt sur étagère

Rodolphe Rayssac

Le Conseil d’Etat a toutefois rappelé récemment que ce régime dérogatoire ne pouvait s’appliquer à des prestations connues et normalisées (lire notre article du 19 octobre 2020). Aux yeux de l’avocat Rodolphe Rayssac, la PAN est particulièrement adaptée à certains marchés de services et notamment aux marchés d’assurances qui n’entrent pas dans ce registre.

« Les assureurs ont tous des pratiques et propositions de services différents, de sorte qu’il est impossible de les recenser et de les décrire en amont, y compris dans le cadre d’un sourcing », argumente-t-il. D’autre part, si l’assuré adhère en général à un contrat, il n’en est pas de même dans le cas des marchés publics où le processus s’inverse. C’est l’acheteur qui dessine les contours de la prestation qu’il recherche.

Nécessité d’adapter l’offre pour répondre au besoin

Difficile dès lors de pouvoir trouver immédiatement du « prêt-à-porter » qui corresponde exactement et automatiquement au cahier des charges. D’où l’autorisation régulière des variantes et des réserves dans les dossiers de consultation. « La PAN permet à l’acheteur d’ajuster l’offre à la demande », met en avant Rodolphe Rayssac, en négociant par exemple le périmètre des prestations, la couverture des risques, le montant des garanties ou celui des primes. Et pour l’avocat, la complexité du sujet s’épaissit encore dès lors que le marché doit répondre aux besoins multiples d’un groupement hospitalier de territoire.

Le tribunal administratif de Dijon vient de donner raison à sa démonstration. Un marché relatif à la responsabilité civile hospitalière lancé par le CH de Nevers pour son propre compte et celui de sept établissements du GHT avait déjà fait l’objet d’un référé précontractuel en juillet 2018. Un prestataire évincé avait déclenché un contentieux, soutenant que le choix de la PAN – appelée à l’époque procédure concurrentielle avec négociation (PCN) – était illégal. Le juge était resté de marbre, considérant qu’une offre standard ne pouvait répondre exactement au besoin exprimé par le GHT (TA de Dijon, 19 juillet 2018, n° 1801667).

Un moyen d’obtenir une prestation optimisée

L’affaire a ensuite été jugée au fond en décembre (Ord. TA Dijon du 3 décembre 2020). De nouveau, le magistrat a admis que le besoin de l’acheteur « ne pouvait être satisfait sans adapter des solutions immédiatement disponibles », alors même que le marché permettait aux candidats d’énoncer des réserves et de proposer des variantes pour adapter leurs offres. Le recours à la procédure avec négociation a donc été validé.

« La PAN implique un peu plus d’investissement, admet Rodolphe Rayssac, mais il est possible de concentrer les phases de négociation sur un délai réduit de quelques semaines. Au final et au terme de la procédure, l’acheteur regagnera du temps lors de l’analyse des offres et il obtiendra surtout une prestation optimisée. »

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