Indemnisation et sujétions imprévues

Une entreprise de peinture a réclamé une indemnisation en raison d’intempéries qui ont allongé la durée d’un chantier. Mais sa requête a été rejetée parce qu’elle n’a pas réussi à établir que l’aléa climatique a été la seule cause du retard de 47 mois.

© Epictura/art-siberia

Titulaire d’un lot « revêtements sols et murs » d’un chantier de construction incluant la réalisation d’une unité destinée aux patients atteints de la maladie d’Alzheimer et d’une maison d’accueil spécialisée ainsi que la réhabilitation du service de long séjour et de l’espace mortuaire, une entreprise de peinture a inséré, dans son projet de décompte final, une demande indemnitaire de 170 600 euros à raison des préjudices qu’elle imputait aux conditions d’exécution du marché. Selon elle, les intempéries auraient provoqué un allongement du chantier de 47 mois. Le pouvoir adjudicateur, un centre hospitalier, a rejeté ses prétentions. Le prestataire a alors saisi le tribunal administratif qui a rejeté sa demande, puis a fait appel.


La CAA de Marseille rappelle d’abord « que les difficultés rencontrées dans l’exécution d’un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l’entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l’économie du contrat soit qu’elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l’exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l’estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en oeuvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de travaux publics. »


Il n’est pas prouvé que la pluie soit l’unique responsable


Si elle admet en l’espèce que la pluie tombée (36 mm en une journée) doit être regardée comme constituant une sujétion imprévisible à l’aune du CCAP prorogeant le délai d’exécution, la CAA estime que l’entreprise n’établit pas que cette unique journée d’intempérie a été, à elle seule, la cause du retard et des frais réclamés (correspondant aux salaires des équipes et aux frais divers, dont les locations de véhicules). « Elle n’est dès lors pas fondée à demander l’indemnisation de ce préjudice sur le fondement de la théorie des sujétions imprévues. »


Les magistrats notent en outre que le centre hospitalier n’a pas commis de faute. La société chargée pour sa part des travaux d’étanchéité avait accumulé un retard de trois mois sur le calendrier prévisionnel des travaux, lequel a contribué à aggraver les conséquences des intempéries en accentuant les dégradations des ouvrages déjà réalisés. De plus, ce retard s’était accumulé essentiellement pendant la période estivale, pendant laquelle le risque d’intempérie est relativement faible. En conséquence de quoi, l’entreprise de peinture « n’est pas fondée à soutenir que le centre hospitalier a commis une faute en se dispensant de faire usage de son pouvoir de sanction à l’encontre de l’entreprise chargée des travaux d’étanchéité. » Sa demande d’indemnisation a donc été rejetée.


Référence : Cour administrative d’appel de Marseille, 16 décembre 2019, 18MA04119

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