Achat innovant : bilan mitigé pour le décret de décembre 2018

A l’occasion d’une enquête qu’il vient de mener, l’Observatoire économique de la commande publique a voulu en savoir plus sur les pratiques des acheteurs, notamment en matière d’achat innovant. Une centaine d’expérimentations passées sous l’égide du décret du 24 décembre 2018 a été recensée. Mais seuls 26% des professionnels interrogés déclarent avoir l’intention d’utiliser le dispositif.

© Epictura
La France compte sur ses acheteurs publics pour « accompagner le développement de nos PME innovantes », a rappelé Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie et des Finances, il y a un an. Le recours à la commande publique dans le cadre d’une politique publique de soutien à l’innovation par la demande ne date pas d’hier. 

En 2012, le Pacte national pour la croissance fixe un objectif à atteindre cette année, valable pour l’Etat, ses opérateurs et les hôpitaux : 2 % du volume des achats consacrés à l’innovation. Les ministères sont alors priés de rédiger des « feuilles de route » de leurs besoins pour signaler aux entreprises high tech dans quels domaines ils vont investir.


Dans la foulée, plusieurs outils voient le jour : le « guide pratique de l’achat innovant », publié par la direction des affaires juridiques de Bercy en 2014 et mis à jour en mai 2019, ou encore le guide « La commande publique : un marché pour les innovations », sorti par la direction générale des entreprises en 2015.


Enquête auprès d’un peu plus de 200 acheteurs

Afin d’inciter les pouvoirs adjudicateurs à passer à l’action, le gouvernement assouplit la réglementation à titre expérimental. Le décret du 24 décembre 2018 permet, pendant trois ans, aux acheteurs publics de passer un marché public négocié sans publicité ni mise en concurrence préalables portant sur des travaux, fournitures ou services innovants répondant à un besoin dont la valeur estimée est inférieure à 100 000 € HT.

Bien qu’elle ne soit pas un sondage avec échantillon représentatif, l’enquête menée en mars-avril par l’OECP via un questionnaire en ligne portant sur trois principales thématiques (achat innovant, mais aussi accès des PME aux marchés publics et achat durable) permet d’en savoir plus sur les pratiques d’un panel de 218 acheteurs publics (dont 50 % de collectivités locales, 35 % de la sphère étatique, 7 % d’hôpitaux).


Le décret de décembre 2018 inconnu d’un tiers des répondants


Quels sont les enseignements de ce retour terrain ? D’abord que le sujet n’est pas forcément bien cerné par tous.  Même si quasiment 72 % des acheteurs interrogés affirment avoir connaissance du décret du 24 décembre 2018, il n’en reste pas moins qu’un tiers de l’échantillon avoue son ignorance près de 14 mois après la publication du texte. 69,7 % des professionnels indiquent n’avoir pas bénéficié de formation dans le domaine. « Cela démontre l’effort qui doit encore être mené pour sensibiliser les acheteurs à cette problématique », admet l’enquête de l’OECP.


41 % des acheteurs interrogés répondent non d’emblée à la question « avez-vous l’intention de recourir à l’expérimentation pour réaliser un achat innovant inférieur à 100 K€ HT sans publicité ni mise en concurrence ? ». Et 32 % n’en savent rien, peut-être faute d’un besoin clairement identifié.


La crainte de l’insécurité juridique


Plusieurs écueils sont avancés. Le premier, c’est la notion elle-même d’achat innovant, « par nature fluctuante et, de ce fait, subtile à employer », explique l’OECP qui reconnaît qu’elle est « appréhendée avec difficultés par les acheteurs. » 


Le second, lié au premier, est la qualification juridique de l’achat innovant. « Les pratiques d’achats requièrent du temps pour évoluer, car la sécurité juridique est une problématique importante pour les pouvoirs adjudicateurs qui ne se lancent pas aisément dans de nouvelles procédures, par nature moins bien maitrisées », argue l’enquête.


Le chiffre des expérimentations certainement sous-évalué


Pour autant, plusieurs pouvoirs adjudicateurs ont franchi le Rubicon, à l’image du CHI de Poissy-Saint-Germain en Laye qui s’est emparé de la mesure pour s’équiper de casques de réalité virtuelle capables de relaxer les patients lors de certains examens (lire notre article sur le sujet, lien en bas de page).


L’OECP a en effet déjà recensé près d’une centaine de procédures sous l’égide du décret de décembre 2018, soit pratiquement le double que les 56 identifiés en janvier 2020. Un chiffre sous-évalué « du fait notamment du décalage lié à la collecte de statistiques » selon l’Observatoire qui prévoit un nouvel état des lieux à l’automne. 

Pour lire notre article sur l'achat innovant du CHIPS

Réagir à cet article

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *