Pré-diagnostic dans les EHPAD grâce à l’intelligence artificielle

Afin de réguler le parcours de soins en Ehpad, soulager la médecine de proximité et éviter les admissions aux urgences inutiles, le CHU de Limoges expérimente le pré-diagnostic analysé par intelligence artificielle.

© Ehpad St Privat

Le tableau est connu, « des Ehpad de plus en plus sanitarisés sur un territoire en manque chronique de ressources médicales, d’où des personnes âgées régulièrement envoyées aux urgences, avec tous les impacts délétères supposés, sur l’état de ces patients dont près de 40 % pourraient pourtant éviter l’hospitalisation, comme sur les organisations déjà en « surchauffe », brosse le professeur Achille Tchalla, chef du pôle de gérontologie clinique du CHU de Limoges.

Et d’intimer : « Il est temps de chercher d’autres solutions. » Afin d’aider personnels infirmiers et médecins à anticiper, et ainsi mieux gérer les situations, le professeur Tchalla expérimente donc depuis deux ans une méthode de pré-diagnostic établie par intelligence artificielle (IA).

Une modélisation de la réflexion médicale

Le professeur Tchalla © CHU Limoges

L’outil n’a rien d’un super dictionnaire des symptômes : déployée par la société Médical Intelligence Service sous le nom de MedVir, cette solution algorithmique modélise carrément le raisonnement médical en croisant signes cliniques, constantes et antécédents. « Engrangeant l’expérience acquise qu’elle appuie à des bases statistiques, elle a été initialement développée à partir des profils adultes pris en charge par le 15 et retravaillée pour s’adapter aux plus âgés », explique Achille Tchalla.

Entrées par l’infirmière dans une tablette connectée, les informations données par le patient sont ainsi analysées par l’IA, laquelle les traduit en hypothèses immédiatement transmises au médecin traitant qui va valider ce pré-diagnostic ou l’affiner par une téléconsultation, des examens complémentaires, etc.

Aucune perte de chance enregistrée

Alors que la faisabilité du dispositif a déjà été attestée par une expérimentation menée sur deux établissements de Haute-Vienne, il s’agit maintenant de mesurer la fiabilité de cet outil digital et d’observer la manière dont chaque partie concernée – infirmières, AS, médecins et patients – se l’approprie. Ainsi les dossiers des résidents suivis arrivent-ils aussi au service de gériatrie du CHU afin de vérifier l’exactitude des diagnostics IA et s’assurer qu’ils ne provoquent aucune perte de chance au regard de ceux émis par le médecin traitant.

En effet, l’IA n’a pas vocation à se substituer aux soignants, « c’est juste un outil d’aide à la décision capable, après formation des professionnels concernés, de décharger les médecins traitants de la phase d’orientation », expose Achille Tchalla qui l’assure : « à ce jour, les concordances sont bonnes. »

Jusqu’à 15 % d’admissions possiblement évitables

Financé par le conseil régional de Nouvelle-Aquitaine et l’ARS, le schéma expérimental de recherche et d’innovation qui inclut 306 résidents est actuellement déployé sur sept établissements, en Dordogne, Creuse et Corrèze. L’année 2023 devrait voir d’autres structures rejoindre l’échantillon, afin de caractériser l’intérêt d’intégrer cet outil à l’organisation. Mais d’ores et déjà, « l’investissement en hard et soft ne peut que sembler dérisoire au regard des gains potentiels réalisés sur la gestion des urgences, sur le coût des transports ou sur les conséquences de la perte d’autonomie », avance le gérontologue.

Le professeur Tchalla insiste : « même si le dispositif ne conduisait qu’à 10 ou 15 % d’admissions hospitalières épargnées, chacun y gagnerait beaucoup, depuis le patient jusqu’à l’institution en passant par le généraliste. » Des estimations qui incitent assurément à projeter rapidement une future étape au bénéfice des aînés hébergés à domicile.

 

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