Oxygène : des hôpitaux se donnent de l’air

Avant la pandémie personne n’aurait imaginé que les besoins en oxygène médical puissent devenir un jour aussi importants. La crise sanitaire aura pointé la fragilité des établissements qui ne disposaient plus de l’autonomie nécessaire en oxygène cryogénique et se sont retrouvés à plusieurs reprises à deux doigts de la rupture. D’autres avaient anticipé.

© Epictura

Produire sur site son propre oxygène médical et limiter ainsi les risques de rupture d’approvisionnement est apparu pour certains établissements comme une nécessité absolue bien avant la pandémie de Covid-19. À Papeete, c’est le centre hospitalier de Polynésie française qui a ouvert le bal il y a neuf ans avec l’installation d’une centrale de production d’oxygène.

L’importance des frais d’acheminement

Limiter les risques de ruptures d’approvisionnement mais aussi réduire les coûts lorsque le prix de l’oxygène cryogénique est plombé par les frais d’acheminement, c’est également la démarche poursuivie en Corse par Samuel Kuczenisky, ingénieur hospitalier au CH d’Ajaccio. « Il y a cinq ans nous avons équipé tout d’abord l’Ehpad d’Ajaccio qui compte 240 lits, puis, au regard des résultats obtenus, ceux de Sartène et Bonifacio ».

Pour lui, la production d’oxygène sur site est la solution la plus sûre pour les établissements hospitaliers dont la desserte est compliquée : « Ici, les frais d’acheminement sont énormes, déplore-t-il, on se retrouve avec des prix prohibitifs de l’ordre de 90 € par bouteille ». L’insularité y est pour beaucoup, bien évidemment.

Serge Loko

Mais sur le continent, dans les Yvelines, le pharmacien en chef du centre hospitalier intercommunal de Meulan – Les Mureaux et du GHT des Yvelines Nord a lui aussi choisi de produire son oxygène sur site pour des raisons logistiques : « Notre Ehpad est situé sur les hauteurs de Meulan, explique Serge Loko, la livraison des bouteilles d’oxygène cryogénique par la route y est pratiquement impossible ».

Moins d’opération de manutention

Rue des Annonciades, , le pôle gérontologique du centre hospitalier intercommunal dispose d’une capacité de 127 lits, dont 32 unités de soins de longue durée. C’est dans ce bâtiment construit il y a trois ans qu’a été installée l’unité de production d’oxygène : « Avant de passer à la production en interne nous consommions en moyenne 500 bouteilles par an pour les seuls lits de soins de longue durée, explique Serge Loko, en plus il fallait les transporter sur 50 mètres entre le point de livraison et le local technique, autant d’opérations de manutention — et d’arrêts de travail dus aux TMS — qui sont aujourd’hui évités ».

Deux lignes de concentrateurs d’oxygène médical y sont associées à un cadre constitué de 16 bouteilles de 10 m3 : « Le principe est simple, détaille le pharmacien, les générateurs séparent les gaz de l’air, concentrent l’oxygène extrait de l’air ambiant dans un niveau de 95 % que nous pouvons contrôler en temps réel. Les deux lignes produisent à la demande et alimentent dans le même temps une réserve de sécurité de 72 heures ».

Covid : trois fois plus d’oxygène qu’en temps normal

Outre l’avantage d’avoir supprimé les contraintes logistiques, le pharmacien en chef du centre hospitalier intercommunal de Meulan Les Mureaux a fait ses comptes : « En abandonnant l’oxygène cryogénique au profit des concentrateurs sur site, nous avons réalisé 10 % d’économies ». En Corse, Samuel Kuczenisky est encore plus précis : « la consommation de l’Ehpad d’Ajaccio était en augmentation constante, en cinq ans nous avons économisé 500 000 € sur ce seul établissement ».

Pour l’ingénieur du centre hospitalier ajaccien, le bilan est d’autant plus positif qu’il n’y a pas d’immobilisation à faire : « Il s’agit d’un simple système de location maintenance, nous fonctionnons en complète autarcie puisque nos lignes de productions rechargent également les bouteilles de nos cadres de secours ». Des cadres de secours qui n’ont jamais été mis à contribution en cinq ans : « Pourtant, durant la première vague, nous avons été amenés à produire trois fois plus d’oxygène qu’en temps normal, souligne Samuel Kuczenisky, c’est aussi l’une des raisons qui nous a fait choisir cette solution pour notre nouvel hôpital ».  Ne plus être dépendant, c’est un souci qu’il partage avec Serge Loko qui, lui aussi, dans les Yvelines, vise l’autonomie.

 

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