Nice Sainte-Marie : d’un lieu asilaire au site exemplaire

Créé en 1862, le centre hospitalier Sainte-Marie de Nice accuse lourdement le temps. Sur six ans, sa reconstruction est donc programmée à l’appui d’un phasage complexe. Et une nouvelle architecture du site, à la croisée des exigences médicales, sensorielles, techniques et paysagères, va conserver au bâti son cachet tout en changeant son traitement.

Le futur hall d'accueil ©SCAU

Si l’homme est influencé par son environnement, comment des espaces peuvent-ils participer à l’amélioration de l’état d’une personne ? Tandis que dans un atelier voisin, Bruno Laudat, co-président de la commission architecture et psychiatrie au sein de l’Union des architectes francophones en santé, appelait à la « dédiabolisation des grands établissements psychiatriques », le centre hospitalier Sainte-Marie (CHSM) de Nice profitait aussi du salon Santexpo (du 17 au 19 mai, à Paris) pour présenter son projet de reconstruction…

©SCAU

Un projet justement pensé en termes d’espaces, d’ouvertures, de lumières et d’atmosphère pour proposer une habitabilité adaptée aux pathologies mentales. Ainsi, l’ESPIC, qui accueille 280 patients atteints de troubles mentaux et quelque 1 000 salariés, ne va pas seulement être modernisé : il se veut carrément un outil de la prise en charge, faisant de ce site vétuste un lieu exemplaire pour la psychiatrie de demain.

Une philosophie derrière les attentes

Stéphanie Durand © LD

Exit donc les chambres collectives, salles de bains communes et barreaux aux fenêtres, « éléments indignes du XXIe siècle et stigmatisants », dénonce le directeur du site, Stéphanie Durand. Dans un cadre d’exploitation rendu conforme aux exigences actuelles de sécurité et d’hygiène, le lieu aspire au respect, à la dignité et à la déambulation.

Validée en octobre 2019 par l’ARS Paca et soutenue par la mairie de Nice, l’opération globale, évaluée à 110 millions d’euros, est remportée début 2020 par GCC dans le cadre d’un marché en conception-réalisation liant ce groupe de BTP aux sociétés SCAU architecture, Ingérop pour l’ingénierie, Ginger CEBTP (bureau d’études en géotechnique et étude de sol) et AC2R (spécialiste cuisiniste). Ce choix doit beaucoup aux échanges ouverts par la procédure négociée : « Bon dernier en début de dialogue, le groupement mené par GCC a su faire la différence par son écoute et comprendre la philosophie dessinée en filigrane derrière les attentes de la communauté hospitalière », explique Stéphanie Durand.

Des murs à gratter, des jardins pour soigner

Le patio © SCAU

L’idée générale est d’imaginer un « lieu tenant », c’est-à-dire en capacité de « soutenir, maintenir ses occupants », résume Guillaume Baraïbar, architecte associé chez SCAU Architecture. Autour du bâtiment historique du site, ainsi traité en point d’ancrage, l’ancienne structure pavillonnaire des lieux décline désormais 11 unités de soins nouvelles imaginées avec les équipes. Ouvertes ou fermées, toutes sont organisées autour d’un patio, parfois même avec terrasses.

Jardin psychogériatrie © SCAU

Partout, distribution des espaces et ambiances y sont pensées pour contribuer au mieux-être des patients par des locaux adaptés à leurs représentations spatiales et sensorielles : recoins, espaces sans angles, fenêtres à vue serrée, couleurs, acoustique, éclairage… Le patio de la clinique des autistes arborera même un mur « encore plus beau quand on le gratte », décrit l’architecte, rebondissant sur l’idée originale d’une soignante. Enfin, l’extérieur est pareillement travaillé : « Nombreux, les espaces verts existants seront redessinés pour inspirer l’imaginaire, favoriser le sport ou susciter les sens, faisant aussi de ces jardins d’hétérotopie un autre lieu du soin », détaille-t-il.

Un phasage complexe

Vue aérienne du projet ©SCAU

Déterminante dans la vision finale, l’approche « empathique » du groupement se révèle tout aussi fondamentale pour le déroulé du programme. En effet, l’ensemble des opérations sera réalisé en site occupé, avec toutes les mises en sécurité que cela suppose pour chacune des parties. Dans un enchaînement de démolitions et de reconstructions articulé en deux volets sur six ans, un phasage complexe doit donc être arrêté, rythmé par des déménagements successifs en unités-relais.

« Pour ce faire, un ingénieur travaux est, depuis neuf mois, installé à temps plein sur le site pour caler lesdits phasages en collaboration avec le personnel et, après analyses des différents flux (piétions, véhicules, secours), recréer les cheminements logistiques et humains sur le site de soin devenu zone de chantier », détaille le directeur GCC Côte d’Azur, Raphaël Leroy. Ce même travail est également mené sur les réseaux afin de passer sans rupture de l’ancienne irrigation en étoile à l’efficacité centralisée d’un pôle énergie… Parce qu’il faut impérativement « vivre le site pour le comprendre », appuie le constructeur. Et assurément comprendre le site pour permettre d’y bien vivre.

 

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