Le CHIPS teste un nouvel outil d’interaction avec les patients

Lien important entre les patients et les soignants, la traditionnelle sonnette d’appel reste toutefois un moyen de communication rudimentaire. Le CHI de Poissy-Saint-Germain-en-Laye a expérimenté, entre mars et août, une application capable de qualifier les causes des appels mise au point par la start-up Hospitalink. Un moyen d’améliorer à la fois la réponse aux sollicitations et les conditions de travail du personnel.

Chaque jour, dans tous les hôpitaux, le même geste se répète des centaines de fois. Dans sa chambre, le patient appuie sur un bouton ou une sonnette. Et signale ainsi au poste de soins qu’il a un problème ou un besoin. Sauf que l’équipe soignante ne sait rien des causes de l’appel. Impossible de distinguer la simple demande d’un verre d’eau de la douleur intense et inquiétante.

Une appli née d’une hospitalisation

Lors d’une hospitalisation, Florent Bossert-Castelli fait lui-même le constat que la traditionnelle poire d’appel ne donne pas entière satisfaction. Cet échange, réduit à sa plus simple expression, le conduit à imaginer une autre solution pour enrichir la communication soigné/soignant. Il lance sa start-up et met au point, début 2019, une application, baptisée Hospitalink.

Installé sur smartphone, l’outil identifie la source de l’appel (numéro de chambre) et qualifie le besoin. Le patient choisit, dans une liste de phrases prédéfinies, celle qui correspond à son attente. Et le message est ensuite expédié sur les terminaux (téléphone, tablette ou ordinateur) de l’équipe soignante.

Améliorer la prise en charge et la qualité de vie au travail

Un moyen d’améliorer la communication à distance. Mais pas seulement. Chez les soignants, la traditionnelle sonnette est souvent source de stress. Car dans le doute, il faut, le plus souvent, interrompre un travail en cours pour aller s’enquérir du souci. De plus, le professionnel qui réceptionne l’appel n’est pas forcément le bon destinataire.

« L’application est un outil collaboratif qui facilite la coordination des tâches, en rationalisant les déplacements. Si le patient réclame un verre d’eau, je sais déjà ce qu’il veut. Ce qui engendre un gain minimum d’un aller-retour. Et lorsqu’on connaît déjà la cause de l’appel, il est plus facile d’envoyer le bon soignant dans la chambre. Entre 40 et 60 heures de travail peuvent être réutilisées par mois et par service », assure Florent Bossert-Castelli.

© Hospitalink

De plus, l’outil numérique récapitule toutes les requêtes, limitant le nombre d’erreurs provoquées par des notes parfois rédigées à la hâte sur un coin de table. « On sait aussi qu’environ 60 % des demandes sont mal formulées lorsqu’elles sont transmises, voire oubliées », poursuit le fondateur d’Hospitalink.

Trois services différents sélectionnés pour le test

De quoi susciter l’intérêt du CHI de Poissy-Saint-Germain-en-Laye, particulièrement ouvert à l’innovation (lire notre article du 26 novembre 2019), avec une cellule dédiée au sujet. L’établissement décide de tester l’outil pendant trois mois, suite à un appel à participation du Centre de l’innovation du Resah. Trois services sont sélectionnés.

L’expérimentation démarre en mars 2021 en chirurgie générale et aux grossesses à haut risque. Pour le premier, il s’agit de faciliter la communication avec des patients qui utilisent souvent l’anglais dans leur quotidien. « Nous avons de plus souhaité travailler sur la synchronisation des soins dans le quotidien des patients pour coller à leur rythme de vie. L’adaptation du calendrier des soins améliore l’expérience patient. Et l’outil pouvait traduire les échanges dans différentes langues et faciliter la communication soignant-soigné », explique Sandrine Williaume, coordonnatrice générale des activités de soins du CHIPS. « S’agissant du service GHR, les futures mères, contraintes au repos et souvent à l’alitement prolongé, ont beaucoup de demandes et ont besoin d’être rassurées. »

Des messages paramétrables par les soignants

Les maladies infectieuses et tropicales ont suivi au mois de mai. « Pour ce service, il s’agit naturellement d’optimiser les allées et venues pour limiter les risques de contamination, poursuit-elle. « Si l’on avait disposé de cette solution au tout début de la phase épidémique Covid, elle aurait été bien utile pour communiquer à distance avec des patients anxieux qui ignoraient tout de cette maladie, et éviter aux équipes de revêtir des EPI systématiquement », remarque Sandrine Williaume.

Un des atouts de l’application, c’est qu’il est possible de personnaliser les contenus en fonction des pathologies. « Chaque service a paramétré Hospitalink, les messages ont été conçus par les soignants. Une douleur abdominale n’a pas la même signification selon que l’on sera en GHR ou en chirurgie », illustre la coordinatrice générale des soins.

Malgré la 2e vague Covid, le CHIPS a réussi à déployer l’outil dans les 3 services, en formant au préalable le personnel (2 heures pour la prise en main) et en consacrant du temps afin de convaincre les patients de télécharger le dispositif grâce à un QR code implanté dans les chambres. Une équipe projet composée de cadres soignants et de responsables de la direction du numérique ont assuré le déploiement et l’accompagnement de la solution in situ auprès des utilisateurs.

Satisfaction des patients

Quel bilan tirer de l’expérimentation ? Selon l’enquête menée par Hospitalink, entre mars et juin, l’application a été utilisée près d’un millier de fois par 319 patients. 83 % d’entre eux jugent que ce nouveau moyen de communication a eu un impact positif sur leur hospitalisation. Un retour satisfaisant confirmé par l’établissement qui a interrogé, de son côté, un échantillon de ses usagers : l’expérimentation a été vécue pour 100 % des personnes hospitalisées comme une expérience patient très enrichissante, 72 % estimant que la solution Hospitalink apporte un intérêt pour la qualité de leur prise en charge et qu’elle a répondu à leurs besoins.

Chez les soignants, le ressenti est également favorable. Toujours selon l’étude de la start-up, 75 % des soignants estiment par exemple que l’application a été utile pour prioriser l’urgence des requêtes. Une proportion identique considère qu’il a contribué à une meilleure gestion des interruptions de travail. Le CHIPS mène aussi l’enquête de son côté, notamment pour évaluer l’impact de l’outil en termes de QVT. L’établissement indique que l’expérimentation a été vécue comme une expérience positive pour 82 % des professionnels interrogés. 69 % seraient prêts à utiliser Hospitalink dans leur quotidien, 78 % jugeant que leurs déplacements sont plus efficaces avec la solution.

Un outil enrichi par le test

Naturellement, tout n’est pas parfait. « L’application nécessite des ajustements », pondère-t-on au CHIPS, lequel a, par exemple, suggéré la possibilité de pouvoir communiquer oralement avec le patient afin de préciser sa demande, en cas de besoin. Dans le but de peaufiner l’outil, l’établissement francilien a d’ailleurs choisi de prolonger l’expérimentation – jugée trop courte- jusqu’à la mi-août, puis d’acheter une licence pendant un an, en élargissant l’usage à l’oncologie.

Le test in situ a d’ores et déjà porté ses fruits. Désormais référencée par le Resah, l’application a été enrichie. Elle a ainsi accueilli la version numérique du livret d’accueil, ainsi que des informations d’ordre thérapeutique. Une fonction « je remercie mon soignant » a également été ajoutée. Hospitalink est amené à évoluer sans cesse. « On itère en permanence. Car finalement aucune organisation hospitalière ne ressemble à une autre », confirme Florent Bossert-Castelli.

Pour Sandrine Williaume, le test est positif. « Nous avons grandi avec cette expérimentation. Expérimenter un produit innovant, co-construire avec une start-up une nouvelle solution est une opportunité pour les services volontaires, valorisés par une démarche d’équipe pluriprofessionnelle. C’est une vraie plus-value pour nos patients et agents. Nous sommes convaincus qu’il s’agit d’un bel outil avec un vrai service rendu à l’usager et aux professionnels. Et ce sont bien nos missions que d’améliorer l’expérience patient ! ».

 

Réagir à cet article

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *