Le CHI de Cornouaille met les bouchées doubles pour ses EHPAD

Altération du goût, perte d’appétit… La question de la dénutrition des aînés n’est pas nouvelle. Mais l’originalité du centre hospitalier intercommunal de Cornouaille Quimper Concarneau (CHIC) est de l’aborder dans sa globalité en associant résidents, soignants, chercheurs et entreprises. Et tout un territoire s’est associé pour redonner aux seniors l’envie de manger, avec nouveaux mets plus adaptés prévus en septembre dans trois établissements témoins.
© NutriCHIC
Plats trop fades, manque de saveurs… On le sait : le seuil de perception gustative évolue avec l’âge, jusqu’à même diviser par 11 la perception du salé par rapport à un jeune adulte, et celle du sucré par 2. Sans compter la perte d’odorat, la difficulté de préhension ou les problèmes de mastication qui contrarient aussi l’appétit. Comme tous les établissements qui accueillent des personnes âgées, le Centre hospitalier de Cornouaille (CHIC) est donc attentif à l’alimentation des résidents de ses 6 Ehpad, résidents dont l’état nutritionnel impacte directement l’état de santé. Et, afin d’accroître le bien-être individuel et collectif par le plaisir alimentaire, il s’est fait le promoteur d’un projet inédit, « NutriCHIC », dont l’ouverture sur l’économique n’est pas la moindre des caractéristiques.

Un vaste tour de table territorial

Sur ce territoire où l’agroalimentaire tient une place importante, NutriCHIC est, en effet, né en 2016 d’une rencontre entre les professionnels hospitaliers et des acteurs de l’innovation alimentaire organisée par la Technopole Quimper-Cornouaille. « Les premiers souhaitaient lutter contre la dénutrition des résidents et répondre à une génération plus exigeante face à son assiette, les seconds étaient en attente d’une meilleure connaissance des seniors pour développer, de manière industrielle, une offre alimentaire adaptée », résume la directrice adjointe en charge du pôle personnes âgées du CHIC, Catherine Corre.

Labellisé fin 2017 par le pôle de compétitivité Valorial, NutriCHIC fédère ainsi 12 partenaires, parmi lesquels l’université de Bretagne Occidentale via le laboratoire Lego, des fournisseurs, le GIP Vitalys qui assure les repas du centre hospitalier en liaison froide, ainsi que l’antenne régionale de la Fédération hospitalière de France. Il est financé par le conseil régional de Bretagne (320 000 €, dont 96 400 € pour le CHIC), le conseil départemental du Finistère (67 300 €) et la communauté d’agglomération Quimper Bretagne Occidentale (53 000 €, dont 32 100 € pour le CHIC).

Le goût et les couleurs

© NutriCHIC

Programmé sur trois ans (2018-2021), le projet pluridisciplinaire et collaboratif vient de clore ses premières phases de diagnostic, centrées sur trois des résidences du CHIC. « Réalisée à partir d’entretiens et d’observation sur un panel de résidents, de familles et de professionnels, cette étude des représentations du « bien manger » visait d’abord à mieux connaître les habitudes et attentes des séniors et à mieux cerner le contexte social du repas. Mais il s’agissait aussi de travailler sur l’autonomie des personnes âgées et sur l’implication du personnel autour de ce moment clé », décrit Catherine Corre, qui pilote le projet avec Martin Kervadec, coordonnateur du pôle Santé publique, et avec le docteur Lydie Larreur, médecin gériatre des Ehpad.

Parmi les premiers constats, celui d’un environnement médical peu propice au plaisir alimentaire et des résidents dépossédés de nombreux choix en la matière : place à table, assaisonnement, installation des couverts…Menées avec l’organisme d’analyse sensorielle SensoStat, trois périodes tests ont aussi rythmé cette étape, autour des renforcements de la saveur et de la couleur et d’une adaptation des textures, tandis qu’une deuxième étude mesurait les impacts de l’environnement du repas : nappes, fleurs, menus, service hôtelier…

De nouveaux mets en septembre

Bien qu’interrompue en mars pour cause d’épidémie, cette deuxième analyse sur l’animation et le service ouvre maintenant sur la phase « production » de l’action : de nouvelles préparations prototypées grâce aux leviers nutritionnels et d’usage identifiés et répondant par conséquent aux critères de flaveur attendus, c’est-à-dire de goût mais aussi de forme, de couleur et de consistance puisque la saveur d’un aliment fait appel à des sensations olfactives, thermiques, visuelles et même auditives.

Mitonnées par les entreprises de l’agroalimentaire partenaires avec l’aide du centre d’expertise et d’innovation alimentaire Adria, de nouveaux mets adaptés à une population senior ne souffrant pas d’apraxie au niveau de l’alimentation devraient ainsi être servis dans les établissements témoins à compter de septembre, et ce avant un lancement potentiel à l’échelle nationale. Pour qu’en Ehpad comme à domicile, manger reste un plaisir toujours affiché au menu.
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