Hugues Poissonnier : le coût global, outil d’aide à la décision pour mieux gérer les fonds publics

Professeur associé à l’école de Grenoble Ecole de Management, directeur de l’Institut de recherche et d’innovation en management des achats (IRIMA), Hugues Poissonnier, également auteur de nombreux ouvrages, promeut l’approche en coût global, méthode qui fait réfléchir aux conséquences économiques à moyen et long terme de l’achat et finalement permet d’économiser des ressources.

© P.Jayet

Quelle définition donneriez-vous du coût complet ?

« Si l’on évoque le coût complet, dans l’optique du contrôle de gestion, on fait référence à des méthodes assez précises consistant à calculer des coûts complets et des résultats par objets de coût. L’idée est d’évaluer les charges directes et indirectes et de les comparer avec le chiffre d’affaires généré. Quand on parle de coût complet à l’hôpital, on fait davantage référence en réalité au coût global ou au TCO, lequel recouvre toutes les conséquences de la décision d’acheter tel ou tel produit en termes d’usage et de consommation. Quand on achète un bien ou un service, cela génère des coûts complémentaires, ne serait-ce que le fait de le remplacer s’il s’avère de trop mauvaise qualité. »

Pourquoi s’engager dans une telle démarche ?

« Il s’agit d’un outil d’aide à une décision plus éclairée pour mieux gérer les fonds publics. Comparer un achat en coût global permet de réfléchir aux choix qui vont être faits, ce qui permet d’économiser des ressources. »

Comment expliquez-vous alors que la méthode ait encore du mal à se démocratiser ?

« C’est un peu plus compliqué que de comparer des prix d’acquisition. Il faut faire preuve d’inventivité pour estimer par exemple ce que seront les conséquences de son achat en termes de qualité ou les impacts environnementaux en réfléchissant au recyclage du produit. Il y a sans doute de la frilosité de la part des acheteurs publics dont l’approche demeure souvent centrée sur l’évitement des risques. Dans le secteur public, même si le code de la commande publique permet et encourage cette démarche, les acheteurs sont encore très focalisés sur la maîtrise des risques juridiques. »

Le raisonnement en coût global est-il réservé aux organisations achats matures ?

« Non. Pour preuve, il s’agit d’une démarche que chacun peut appliquer dans sa vie quotidienne en achetant une automobile à la valeur faciale plus onéreuse mais moins consommatrice de carburant, ou en décidant de mieux isoler sa maison dans le but de réaliser des économies de chauffage. »

Certains segments sont-ils plus adaptés pour démarrer la démarche ?

« Il n’y a pas de bonne recette dans l’absolu. Dans le cadre de la vague 6 d’Armen, les membres du groupe que je parrainais ont identifié une trentaine de bonnes pratiques dans des segments très différents, des transports à l’alimentation, où il était possible de réaliser des gains. S’équiper de draps plus chers au départ mais plus solides et sans produits chimiques pathogènes, cela permet à l’hôpital à la fois d’offrir un environnement de meilleure qualité à ses patients et de réduire les dépenses. Certaines familles peuvent générer des résultats de manière assez immédiate, en moins de deux ou trois ans. Sensibilisées au sujet du TCO lors de leur formation, les jeunes générations d’acheteurs savent quels leviers actionner.

Il y a une barrière à faire tomber concernant les professionnels plus anciens mais une formation de deux ou trois jours peut leur donner les clefs. Réfléchir en coût global, identifier les coûts induits, calculer les conséquences du choix d’un produit ou d’un fournisseur, cela génère de la créativité intellectuelle et des gains importants pour l’établissement de santé, des économies qui pourront être réinjectées au profit de la qualité des soins. Tout le monde en sort gagnant. L’étape d’après, c’est de ne plus raisonner en coût mais en valeur : quel est l’apport de l’acheteur pour les patients, pour son établissement. »

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