Quel profil idéal pour le contrôleur de gestion achat ?

Apparu dans le milieu hospitalier avec le programme Phare, le métier de contrôleur de gestion achat reste cependant encore mal connu. Vers quel profil se tourner lorsqu’il s’agit de recruter ? Plusieurs professionnels en poste listent les qualités majeures qu’on doit attendre de la perle rare.

© Epictura

En plein essor, le poste de contrôleur de gestion achats contribue à la professionnalisation de la fonction achat (lire notre article du 5 octobre 2020). Cependant, les contours de ce métier émergent restent nébuleux pour les profanes. « Certains hôpitaux recrutent pour cocher la case, sans réellement savoir ce qui se cache derrière le poste et ce que la personne pourra apporter en plus-value de la fonction achat. Avec un risque, celui de se tromper et d’accréditer la thèse que la fonction n’est qu’accessoire », prévient Émilie Marsily, contrôleur de gestion achats du CHU de Nîmes et du GHT Camargue Gard Cévennes, en poste depuis 2013.

Acheteur reconverti ou contrôleur de gestion de métier

Jérôme Coustol

À quoi pourrait ressembler le portrait-robot du contrôleur de gestion des achats ? « Je ne pense pas qu’il y ait un profil type », répond d’emblée Jérôme Coustol, contrôleur de gestion achats du GHT Sud Lorraine. Comme n’existe pas vraiment d’école spécialisée ou de formation initiale spécifique à cette nouvelle profession, on rencontre généralement deux cas de figure : celui d’acheteur reconverti ou de contrôleur de gestion classique amené à se familiariser avec le monde des achats. C’est par exemple le cas d’Amélie Mailhes, contrôleuse de gestion achats du CHU de Caen et au GHT Normandie Centre, venu du secteur privé (automobile et banque) avant de se frotter simultanément à l’hôpital et à la commande publique il y a trois ans.

Issue de l’industrie pharmaceutique, Émilie Marsily penche plutôt pour la seconde configuration. « Choisir un acheteur est possible, mais cela sera plus compliqué. D’abord parce qu’il n’aura pas forcément le recul nécessaire sur la fonction. Ensuite parce qu’il sera plus facile pour les acheteurs de mettre en doute sa crédibilité et de contester ses préconisations. Mieux vaut s’orienter vers un contrôleur de gestion de métier, capable de s’adapter à l’environnement hospitalier », estime-t-elle.

Alexandra Benoistel

Une des pionnières du métier à l’hôpital, Alexandra Benoistel, contrôleur de gestion achat du CHU de Nantes depuis 2009, estime que l’arrivée des GHT a changé la donne. « Auparavant, une formation d’acheteur permettait d’avoir une bonne vision du processus achat. Depuis, nous sommes confrontés à la manipulation d’énormément de données, qu’il faut assimiler et optimiser surtout en l’absence de SI achat. » Près de 470 000 lignes par exemple au GHT 44 qui rassemble 13 établissements. C’est pourquoi elle défend aussi la deuxième option. Elle a d’ailleurs suivi un master 2 de contrôle de gestion et système d’information afin de mieux traiter l’information et d’améliorer la qualité des données.

Un créatif amoureux des chiffres capable d’inventer des outils

Reste que le parcours professionnel ne fait pas tout. Car la fonction nécessite des compétences et des appétences. Côté savoir-faire, une certaine vista des tableurs et des outils informatiques sera bienvenue. « Attention, le contrôleur de gestion des achats n’est pas un technicien de la comptabilité, il doit parfois faire preuve de créativité, être capable de créer des outils », signale Émilie Marsily. « L’amour des chiffres et des données figure parmi les bagages obligés. « Si vous êtes allergique aux chiffres, mieux vaut passer votre chemin », résume Jérôme Coustol.

Le savoir-être est tout aussi important. Les professionnels interrogés mettent spontanément en avant la curiosité, la capacité à aller vers les autres et l’écoute. « Un contrôleur de gestion achat ne travaille pas dans sa tour d’ivoire. Quelqu’un qui ne connaît pas le métier s’imaginera que nous sommes comme des comptables derrière un ordinateur à traiter des chiffres toute la journée. Alors qu’on doit rencontrer de nombreux acteurs, du directeur d’hôpital au référent achat d’un établissement partie, comprendre leurs besoins, s’informer sur la façon dont sont renseignées les données », explique le contrôleur de gestion du GHT lorrain.

L’importance des qualités relationnelles

Amélie Mailhes

Amélie Mailhes insiste sur cette facette « communication » et relationnelle du métier. « Le contrôleur est l’interlocuteur de tous les établissements du GHT. Il ne doit pas hésiter à se déplacer, à aller sur le terrain, à tisser des relations avec tous les acteurs de l’achat ». « Le contrôleur de gestion achat travaille souvent seul. Mais il occupe une position centrale en raison de ses nombreux interlocuteurs : direction achats, cellule marchés, établissements parties, opérateurs et acteurs externes. Il est impératif qu’il cerne leur fonctionnement avant d’imaginer des outils », analyse Alexandra Benoistel.

Émilie Marsily place aussi en haut de la pile « la curiosité intellectuelle, l’ouverture d’esprit, la capacité de synthèse » pour être capable d’embrasser la très grande diversité des achats menés par un hôpital. La rigueur et l’organisation font partie du lot. « Il faut avoir le goût du juste », précise Jérôme Coustol, « mais nous ne sommes pas comme les comptables à la virgule près. Nous construisons des indicateurs à interpréter sur la tendance ».

La pédagogie, un élément clef

Émilie Marsily

« L’autre facteur clef, c’est la pédagogie, la capacité à expliquer clairement », poursuit Émilie Marsily. « Les acheteurs ne comprennent pas forcément notre métier, il faut expliquer, réexpliquer, pourquoi on est là, comment on peut les aider », confirme Amélie Mailhes. « Ce volet est important, notamment dans le cadre de la performance des achats puisque les acheteurs doivent comprendre pourquoi on les sollicite et on mesure leur valeur ajoutée, quelle est la méthodologie de calcul des gains », ajoute Alexandra Benoistel.

« Et il faut être aussi capable de former ses interlocuteurs sur certaines notions qui restent confuses, comme le gain achat, différent du gain budgétaire », renchérit Jérôme Coustol. Le contrôleur de gestion des achats lorrain ajoute à la liste l’assurance et le répondant, tout en restant diplomate, lorsqu’il s’agit de convaincre un cadre ou un dirigeant. « Il faut être capable d’exposer et d’opposer des éléments, sans avoir à s’excuser » .

Privilégier l’expérience en cas de création de poste

Des éléments qui semblent plaider en faveur de la maturité, d’autant qu’il faudra aussi échanger avec des acteurs extérieurs comme les ARS ou la DGOS. « Un contrôleur de métier, proche des opérationnels et du terrain, sera capable de produire d’emblée des outils et aura plus de facilité à persuader ses interlocuteurs de participer à la démarche », plaide Émilie Marsily.

« On peut avoir de l’expérience et être empêtré dans ses certitudes », juge pour sa part Jérôme Coustol, « tout dépend en fait de la maturité de la fonction achat dans l’établissement ou le GHT. S’il s’agit d’une création, on aura peut-être intérêt à recruter quelqu’un qui a de la bouteille, capable de construire son poste et d’apporter d’entrée de jeu de la plus-value. Mais si on recherche une personne pour prendre la suite, il ne faut pas avoir de scrupule à choisir un jeune plein d’envie et inventif ».

 

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