Pandémie : l’abécédaire de Laurent Chabot

Si rien n’a changé dans la durée de ses journées aux douze heures toujours bien sonnées, Laurent Chabot, directeur des achats du GHT Aisne Nord Haute Somme, reconnaît que la pandémie en a largement revisité l’organisation selon une nouvelle nomenclature imposée par la conjoncture. Tour du répertoire.

 

Laurent Chabot

Adaptabilité

Taux d’occupation des lits, état clinique des patients… « Le compte rendu quotidien de la cellule de suivi des patients de l’établissement est à décrypter chaque matin jusque dans ses moindres lignes pour anticiper au mieux les besoins logistiques, techniques et matériels des réorganisations de services liées à l’extension des unités COVID. » Et agir en conséquence ! Ainsi, pour chaque secteur COVID créé, avant chaque passage en zone, l’équipe technique révise-t-elle l’ensemble des services (appels malades, chauffage, ventilation, électricité, plomberie et fluides médicaux). L’augmentation des déchets d’activités de soins à risques infectieux (DASRI) a aussi conduit à une réorganisation des flux avec le prestataire : modification du contrat pour un enlèvement minimum de 18 bacs par jour (contre 12 en moyenne antérieurement), passage systématique les dimanches et jours fériés également et ajout de 5 containers supplémentaires.

Coopération

Pour prévenir les ruptures d’approvisionnement, des EPI aux respirateurs en passant par les médicaments, le GHT Aisne Nord Haute Somme s’appuie sur la force d’un réseau professionnel réactif et solidaire. « Sous l’impulsion de l’ARS mais aussi de groupements de coopération sanitaires régionaux comme le GCS Pharma-Hauts-de-France, les directeurs des achats, acheteurs, pharmaciens et services biomédicaux du territoire partagent quotidiennement leurs informations pour démultiplier les solutions de ressources. » Un logiciel partagé entre les quatre directions achats du GHT a également été conçu pour faciliter l’entraide par un suivi des consommations en temps réel.

Débrouille

La crise force la créativité en imposant plus que jamais l’émergence de solutions collaboratives pour surmonter les problèmes qui se posent. Ainsi, pour lutter contre une possible pénurie, le GHT Aisne Nord Haute Somme s’est lancé dans sa propre production de gel hydroalcoolique, en repositionnant sur cette mission les agents de stérilisation rendus plus disponibles par le ralentissement des blocs opératoires. Il a su aussi jouer des atouts de son écosystème local en fédérant autour de son projet la verrerie de Masnières, laquelle lui a ouvert les portes du groupe coopératif sucrier français Tereos pour l’alcool et celles de la société tarnaise Soflac pour le flaconnage.

Dextérité

Confrontés à des conditions de marché inhabituelles liées à une sur-demande généralisée que la sous-offre de production n’arrive pas à satisfaire, les prix explosent. « Pour autant, pas question de réfléchir trop longtemps au risque de voir passer des opportunités d’approvisionnements, d’où une marge de négociation de plus en plus étroite mais qu’on ne peut ignorer et une fenêtre de tir qu’il s’agit de ne surtout pas rater ! » Ou comment décider dans l’urgence sans se précipiter.

Expérimentation

Si elle s’enracine d’abord dans le pragmatisme, la réponse agile à la crise se fonde aussi sur l’expérimentation : toute idée est réputée bonne jusqu’à preuve du contraire ! Exemple : « Pour trouver une alternative aux surblouses devenues introuvables, nous testons ainsi un prototype maison, conçu par le centre hospitalier d’Arras, notre voisin et dont le patron est réalisé par un de nos agents féru de couture, dans le respect de chacune des étapes de lavage, séchage, conditionnement en sac et stérilisation en autoclavage précisées par la Direction générale de l’offre de soins. »

Optimisme

Si la crise, qui est encore bien loin de sa conclusion, laissera à l’évidence de nombreuses traces traumatiques, « elle aura aussi témoigné de notre capacité collective à être plus inventif en puisant dans nos propres compétences, en partageant nos ressources et en coordonnant nos actions. En un mot, en se révélant agiles ! Sans doute aura-t-elle aussi mis en lumière le rôle majeur des directions achats et logistiques et ouvert la voie d’une plus grande collaboration avec les unités médicales ? »

 

Pragmatisme

Pénurie oblige, le périmètre du sourcing doit être élargi au-delà de ses frontières habituelles, et pas seulement géographiques ! « Afin de garantir nos stocks de masques sur la durée de cette crise qui qui peut s’avérer longue, nos équipes d’acheteurs ont fait assaut d’inventivité pour contracter avec de nouveaux fournisseurs tels que les sociétés d’agroalimentaires et les vétérinaires mais aussi des magasins de bricolage, des tatoueurs ou encore des sociétés de paintball. »

Par ailleurs, une cellule de coordination logistique et technique a été spécialement créée pour recevoir, étudier et organiser les propositions de dons faites au centre hospitalier de Saint-Quentin et ses directions communes.

 

Ravitaillement

Depuis la préemption des masques par l’État, les établissements supports de GHT sont en charge de la répartition et de la distribution de ces matériels de protection et, de façon plus générale, des équipements de protection individuelle (EPI) dans les structures situées sur le territoire géographique du GHT, et non uniquement ses établissements parties. « Concrètement, cela signifie que chaque matin, nous faisons un point sur les besoins de chacun au sein de nos directions communes et organisons les circuits de livraison hebdomadaires au bénéfice des établissements sanitaires publics et privés, Ehpad, établissements d’accueil pour personnes handicapées, transports sanitaires urgents (via l’ATSU) et, jusqu’à peu, du Service départemental d’incendie et de secours (Sdis)… »

Soutien

Plus que jamais, les équipes logistiques et techniques mobilisées sur le terrain doivent être rassurées, encouragées, félicitées, « d’où la nécessite de passer quotidiennement dans les services pour les voir et les entendre. De même est-il impératif de bien communiquer en ce temps de crise, notamment dans le cadre d’un dialogue social qui doit être maintenu, voire renforcé. »

Vigilance

En cette période singulière, les gestes de solidarité ne manquent pas, à l’initiative des collectivités locales et entreprises du territoire proposant matériels et/ou services et des citoyens se voulant également soutenants. « Mais encore faut-il, notamment dans ce dernier cas, veiller à ce que les équipements respectent toutes les normes de sécurité, comme ces dizaines de visières de protection imprimées en 3 D qu’un regroupement de « makers » locaux nous ont offertes… Une visière qui évite les projections au visage mais ne doit bien évidemment se porter qu’en complément du masque chirurgical ou FFP2. » De même, la tension du moment ne doit pas nuire à l’attention de toujours : « gare aux escroqueries nombreuses tentées sous couvert de bonnes affaires ou belles opportunités. »
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