Les achats publics européens de médicaments passés à la loupe

Menée à la demande de l’Agence exécutive européenne pour la santé et le numérique (HaDEA), une étude a décortiqué les achats publics de médicaments dans 32 pays. Si les modes d’organisation demeurent hétérogènes, certaines pratiques comme le recours à l’appel d’offres ouvert ou la prééminence du critère prix ne connaissent pas les frontières.

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Modes d’organisation des achats pour différentes catégories de médicaments, types de procédures, techniques d’acquisition privilégiées, critères d’attribution… Ce sont les pratiques de 32 pays européens (membres de l’Union, Islande, Liechtenstein, Norvège, Suisse et Royaume-Uni) qui ont été passées à la moulinette par le Gesundheit Österreich Beratungs GmbH, institut national autrichien de recherche et de planification en santé, aidé par plusieurs experts parmi lesquels Jean-Michel Descoutures (Resah), membre de l’Académie nationale de pharmacie.

Premier enseignement qui n’étonnera personne : à l’image de l’organisation des systèmes de soins, les us et coutumes varient d’un pays à un autre. Achats effectués en propre par les hôpitaux, commandes groupées, centralisation à l’échelle régionale ou nationale, recours à une centrale d’achat, tous les scenarii existent ou coexistent. Y compris celui de l’achat transnational.

L’appel d’offres ouvert hégémonique

L’Estonie, la Lettonie et la Lituanie ont ainsi conduit, depuis 2010, quatre opérations d’achats conjoints de vaccins.  En Scandinavie, certains des membres du Nordic Pharmaceutical Forum (Danemark, Islande, Norvège, Suède) se sont associés à l’occasion de deux appels d’offres mutualisés. Et pendant la pandémie, la Commission européenne a piloté l’achat commun de produit destinés à lutter contre le coronavirus. Cependant, côté passation, tous les pays plébiscitent l’appel d’offres ouvert qui demeure hégémonique (96,8 % des marchés étudiés). Il ne laisse que des miettes aux procédures négociées, aux procédures restreintes et au dialogue compétitif.

La primauté du critère prix

Au chapitre des critères de choix, la suprématie du prix n’est pas aussi affirmée. Néanmoins, la grande majorité des marchés analysés (62 %) a été attribuée sur ce seul critère. Et la recherche de l’offre économiquement la plus avantageuse n’est utilisée que dans un quart des cas. L’étude note la présence d’autres critères, comme la valeur thérapeutique et la sécurité d’approvisionnement, voire l’impact environnemental qui commence à émerger, surtout dans les pays nordiques. En Norvège, la centrale d’achat hospitalière a intégré des critères environnementaux, pondérés à hauteur de 30 %, pour l’achat d’antibiotiques. Bref, la démarche de « value based procurement » (lire nos articles du 13 décembre 2019 , du 10 juillet 2020, du 14 janvier 2021 et du 29 mars 2022) a encore bien du chemin à parcourir avant de s’imposer.

L’accord-cadre apprécié

Autre élément intéressant : la pertinence de l’accord-cadre pour les produits de santé. Plus d’un quart (26 %) de tous les marchés de produits pharmaceutiques dans les pays de l’étude (à partir des données de la base TED sur la période 2008-2021) ont été passés sous cette forme. L’outil est même particulièrement apprécié pour certains produits, à l’instar des agents antinéoplasiques (41 %). Au-delà de ce travail de cartographie, l’investigation a voulu estimer les impacts des pratiques. L’analyse des données montre par exemple que des prix unitaires inférieurs sont obtenus dans les pays qui recourent à l’achat mutualisé centralisé, jouent toute la gamme des procédures et retiennent des critères de choix multiples.

Un benchmarking compliqué

L’enquête commanditée par la Commission européenne identifie également plusieurs obstacles à l’optimisation des achats de médicaments. Sont pointés du doigt l’attractivité limitée de certains marchés pour les fournisseurs, le déficit d’acheteurs publics professionnels, naturellement les problèmes de financement, mais aussi les difficultés de benchmarking (transparence des résultats des appels d’offres et des prix obtenus), ainsi que l’insuffisante collaboration entre établissements de santé. C’est pourquoi le rapport recommande la création d’une plateforme facilitant l’échange d’expériences entre tous les acteurs du processus achat.

Etant donné le caractère varié des modes de fonctionnement dans les 32 pays, l’étude comparative insiste sur le fait qu’il n’existe pas de solution unique toute faite, à même d’améliorer les marchés de médicaments partout en Europe. Elle souligne cependant les bienfaits d’une démarche en cycle de vie qui déterminera les processus d’achats les plus appropriés « allant de formes moins compétitives telles que des négociations pour des produits nouvellement commercialisés et brevetés à des procédures plus compétitives tels que des appels d’offres ouverts à mesure que davantage de produits concurrents deviennent disponibles », ainsi que les critères d’attribution les plus judicieux.

 

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