La formation, ascenseur social

L’ascenseur social existe. On peut parfois en douter, mais il existe. Notamment grâce à la formation. Responsable de la cellule des marchés du CH Joseph Imbert d’Arles, Joëlle Salenc en est la preuve vivante. Arrivée dans le milieu hospitalier  en contrat emploi solidarité, elle a suivi des milliers d’heures de formation, passé les concours, grâce au soutien de ses responsables. Et elle veut décrocher aujourd’hui une licence. Mais qu’il a été long le chemin depuis l’usine où elle est entrée à l’âge de 17 ans.

© Epictura

Alors qu’elle était première de la classe jusqu’en sixième, Joëlle Salenc rêvait de devenir institutrice. Mais c’est l’usine qui l’attendait. Thomson. À 15 ans, dans les familles pauvres, on ne choisit pas, l’ascenseur social c’est pour les autres. Oubliés les rêves d’enfant, oubliée l’école normale, c’est le lycée d’enseignement professionnel qui l’attend pour un CAP de sténo-dactylo. Ce n’est pas Joëlle qui décide, c’est sa mère, une immigrée polonaise qui avait appris seule à lire le français mais n’a jamais su l’écrire.

Tête dure

De ses origines polonaises, Joëlle Salenc a hérité d’un sacré tempérament. Une tête dure comme du bois, reconnait-elle sans difficulté. Elle courbera l’échine à 15 ans lorsque sa mère la force à quitter l’école, mais alors qu’approche sa majorité elle se révolte, envoie valdinguer le CAP. Plutôt l’usine que la soumission. Alors comment se retrouve-t-on responsable de la cellule des marchés d’un centre hospitalier lorsqu’on entre dans la vie professionnelle avec pour tout bagage une féroce envie de vivre ?

Ne pensez pas que l’on veuille vous faire écraser une larme avec un mauvais plagiat des Misérables ou de Germinal, n’est pas Hugo ou Zola qui veut. Mais le parcours de l’acheteuse arlésienne est incroyable. Un caractère forgé à la dure, une volonté de fer, une pugnacité hors du commun. Mais aussi la chance de croiser de bonnes étoiles, de ces cadres qui vous donnent envie d’y croire.

De l’usine aux achats

Joëlle Salenc

La promotion au mérite existe. Mais les bonnes étoiles aussi, tel Monsieur Germain, l’instituteur d’Albert Camus qui sut aider le futur Nobel de littérature dont la mère ne savait pas lire… Joëlle Salenc n’a pas croisé qu’une seule bonne étoile, mais carrément trois ! « Lorsque l’usine Thomson a fermé je m’étais retrouvée au chômage économique, j’ai obtenu alors par l’ANPE une première formation de remise à niveau durant quatre mois qui m’a permis de m’orienter vers la comptabilité, explique-t-elle, puis une autre de six mois ».

C’est alors qu’elle a vu l’annonce publiée par l’hôpital de Nîmes : « Le CHU recherchait un ASH en Contrat Emploi Solidarité, je n’ai pas hésité une seconde, tout plutôt que le chômage ». Mais quelle n’est pas sa surprise lorsqu’après son entretien d’embauche on lui propose carrément un poste de gestionnaire de compte : « Je n’en revenais pas, mais la réalité c’est que je suis devenue acheteuse en répondant à une offre d’ASH… ».

L’importance de l’encadrement

Car les étapes s’enchaînent : à l’issue de son CES la voici contractuelle, elle est stagiairisée en avril 2000 et titularisée un an plus tard. En 2004 elle réussit le concours d’adjoint administratif « avec 18/20 à l’écrit » lâche-t-elle fièrement. Et la voilà qui se lance dans une formation d’un an au CHU de Nîmes pour préparer le concours d’adjoint des cadres…

Passer le concours ? « Je n’ai même pas mon bac à sable, dit-elle en riant, or sans diplôme ou quatre ans comme contractuelle, je ne pouvais pas le passer ». Qu’importe, sa première bonne étoile veille sur elle. Au service restauration, Régis Jolivet, son chef de service, croit en elle : « Il me poussait, me forçait à ne pas douter de moi, ses évaluations étaient toujours très encourageantes ». Il faut dire que chaque année la gestionnaire de compte n’alignait pas moins de 13 000 lignes de commande. Ce qui ne l’a pas empêchée de suivre une nouvelle formation pour décrocher un diplôme de niveau 4.

Une deuxième étoile apparaît alors dans le ciel nîmois de Joëlle Salenc : « “Madame”, c’est ainsi que je l’appelais respectueusement, se souvient-elle, “Madame Grenet”, au point où je ne me souviens plus de son prénom avec certitude ». Adjointe administrative, Monique Grenet a donné à Joëlle Salenc le goût des marchés publics. Plus que de goût, on pourrait carrément parler d’addiction car l’acheteuse arlésienne cumule aujourd’hui pas moins de 1 600 heures de formation.

Une licence en droit des marchés dans le viseur

De Nîmes, il y a onze ans, elle traverse le Rhône et deviendra quelques années plus tard responsable de la cellule marchés à l’hôpital Joseph Imbert. Toujours la même question : l’expérience ou le grade ? Il faut attendre la fin 2017 pour qu’elle devienne catégorie B… Mais sa troisième étoile pointe à l’horizon lorsque Sylvie Pigeron arrive à Arles en mars dernier.

La nouvelle directrice des achats et des ressources matérielles prend Joëlle Salenc sous son aile, impressionnée par sa détermination et sa force de travail. Le prochain objectif ? Décrocher une VAE pour terminer sa carrière avec des responsabilités plus importantes. Et l’étape suivante ? Passer une licence de droit des marchés publics. À la Sorbonne de préférence ! « À 59 ans, on a toujours la vie devant soi »…

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