La crise a-t-elle changé l’image des fonctions supports ?

L’épidémie de coronavirus a eu un effet inattendu, celui de propulser sur le devant de la scène les fonctions supports des organisations, en particulier celles des hôpitaux et EHPAD, avec une couverture médiatique qu’elles n’avaient jamais connue auparavant. Mais cette exposition va-t-elle changer durablement le regard sur ces armées des ombres ?

© Epictura

« L’image des fonctions supports va changer dans les hôpitaux. Elles ont avancé en bloc, déployant une grande énergie pendant la crise sanitaire. Les achats, la chaîne logistique, le service biomédical, la restauration, la blanchisserie… se sont mobilisés et réorganisés rapidement pour répondre aux besoins, avec des démarches parfois inédites, assez impensables auparavant pour certaines d’entre elles. Nos médecins ont apprécié cette disponibilité et cette capacité d’écoute et de réaction assez incroyable, ce service rapide rendu dans l’urgence », atteste Ronan Talec, directeur des achats, de l’hôtellerie, de la logistique et de l’ingénierie biomédicale du CHU de Rouen.


Mieux comprendre les contraintes


Paradoxalement, le virus a eu une conséquence positive, en offrant l’occasion aux autres directions de mieux appréhender les problématiques de ces métiers. « Avant, un besoin était égal à une livraison et voilà tout. Aujourd’hui, elles ont compris qu’un besoin signifie une contrainte achat, approvisionnement, logistique. J’espère que cela restera », confie Florian Vinclair, directeur des équipements, de la politique hôtelière et des achats du CHU de Limoges.

 

Eric Maréchal

Responsable des achats du GHT Centre Manche, Eric Maréchal a un ressenti plus pondéré. Si changement d’image il y a eu, il a surtout profité à la logistique terrain. « Leur implication importante au quotidien a été très appréciée des unités de soin. Mais s’agissant de la partie achat, nous avons encore du mal à faire comprendre que les livraisons en 48 heures chrono, type catalogue La Redoute, ne sont pas possibles. On continue à me demander des choses le jour pour le lendemain, même si le délai du fournisseur est de trois semaines. »


De l’anonymat au journal télévisé


Hélène Lemaistre, responsable achats, travaux et logistique du CH de Montauban, est également plus mesurée concernant l’impact de l’épidémie sur l’image des fonctions supports. « Les soignants connaissaient déjà notre travail car nous sommes un petit hôpital avec 1800 agents. Les magasiniers vont livrer dans les services et le magasin central est situé à côté de la pharmacie. L’équipe des gestionnaires marchés publics comprend par exemple des personnes venues des secteurs médicaux. Elles ont maintenant une vision différente et font passer le message auprès de leurs anciens collègues. »


La couverture médiatique dont ont bénéficié les métiers de l’ombre a quand même particulièrement frappé les esprits. Les caméras du 13 heures de TF1 ont ainsi été braquées sur les équipes de la restauration, du nettoyage et de la blanchisserie du CHU de Limoges. Venu renforcer ses collègues de la lingerie, Laurent Roussy, chargé d’installer des boutons pression sur des tenues recyclées, s’est ainsi retrouvé à la télévision. « Quand on n’a pas l’habitudes des médias, cela marque », reconnaît Florian Vinclair.


Se sentir mieux considéré

 

Valentin Simon

Exemple parmi d’autres, le CHI de Villeneuve-Saint-Georges et le CHI de Créteil ont été particulièrement gâtés : la « une » du Monde mi-avril, un reportage dans le journal télévisé de France 2, un autre dans Brut sur le quotidien d’un des magasiniers de l’hôpital, un papier dans le Parisien… « Nous avons un très bon dircom qui a su trouver les bons contacts », atteste Valentin Simon, directeur des achats et de la logistique. Un éclairage bienvenu car il « a permis au grand public de comprendre que les hospitaliers ne se résumaient pas aux équipes soignantes et qu’il fallait des équipes logistiques pour faire tourner les établissements. »


De son point de vue, cette exposition a contribué à la reconnaissance interne de ces agents « maillons indispensables du bon fonctionnement, parfois méconnus au sein des établissements de santé, qui ont pris aussi des risques et qui n’ont pas compté leurs heures. Ces reportages ont permis aux équipes concernées de se sentir considérées, même si je pense qu’elles l’étaient déjà. Je m’évertue à ce qu’elles soient le plus visible. Et nos DG successifs ont toujours compris leur importance », conclut Valentin Simon.

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