Jury de concours : comment réussir sa composition

Passage obligé des projets de maîtrise d’œuvre, le jury de concours est là pour éclairer l’acheteur public sur ses choix. Mais encore faut-il habilement le choisir et adroitement le conduire. Petits conseils pour rendre une composition sans faute, en commençant par la préparation de la consultation.

© Epictura

Pas un grand projet de travaux publics qui y échappe, même si, à l’occasion, il est aussi convoqué pour une campagne de communication ou une création artistique. Intervention obligatoire d’une instance désignée pour examiner les candidatures, analyser les prestations et entendre les sélectionnés dans le cadre d’une procédure avec remise de prestations, le jury de concours n’a aucun pouvoir sur l’attribution du marché mais toute latitude sur les raisons qui y ont mené.

Florence Trinh-Boin ©DR

Or, si certaines étapes de l’opération sont cadrées (motivation des avis, procès-verbal de classement…), des flous subsistent, susceptibles de faire le jeu comme l’embûche d’un acheteur public. En effet, « si le process de consultation présente l’indéniable intérêt d’objectiver le choix d’un projet, il lui imprime aussi une vision délicate à modifier par la suite. Autant donc est sûr de son fait », introduit d’entrée Florence Trinh, directeur des achats au conseil régional de Bourgogne-Franche Comté. Bref, quand le concours s’avère une « technique d’achat », le jury de concours s’affiche bien comme l’art de la manière.

« Le jury est composé de personnes indépendantes des participants au concours » (R 2162-22 du CCP)

Arnaud Latrèche©DR

Soit, mais quelles personnes, combien et comment donc s’assurer de leur indépendance ?Une fois évacuée la question du nombre – « le bon sens dictant juste un nombre impair pour faciliter le scrutin », selon cet acheteur public – celle de l’identité se pose de façon nettement plus sensible. Les profils d’abord : « encadrés à l’État ainsi que dans la fonction publique territoriale, les membres du jury sont désignés selon les règles internes à chaque établissement dans les autres cas, dont ceux de santé », introduit Arnaud Latrèche, adjoint au directeur de la commande publique au conseil départemental de la Côte d’Or, vice-président de l’Association des acheteurs publics.

Cédric Garot

Dans la foulée, le directeur du patrimoine, des achats et de la logistique au CHU de Reims, Cédric Garot, président de l’Association pour la performance de la maîtrise d’ouvrage publique (APMO), précise : « pour ces derniers sont généralement présents le président du conseil de surveillance, la direction générale, le directeur des soins, le président de la commission médicale et un collège de personnalités qualifiées. » « La présence des équipes soignantes est assurément fondamentale dans le cadre d’un programme hospitalier à la fonctionnalité ultra complexe », approuve Philippe Clémandot, responsable du département immobilier à la Fédération des Epl.

« Enfin, il est aussi possible d’inviter de futurs utilisateurs, sous réserve de la confidentialité des délibérations du jury, non communicables aux tiers », ajoute Arnaud Latrèche. Cette condition s’avère d’autant plus primordiale que la seconde complexité de l’étape consiste justement à s’assurer de l’indépendance de tous au regard des parties présentes. Parier sur la déontologie et l’éthique de chacun est une possibilité, mais par sécurité, « le conseil régional de Bourgogne Franche Comté fait signer une attestation d’absence de conflit d’intérêts », indique Florence Trinh…

Lorsqu’une qualification professionnelle particulière est exigée pour participer à un concours, au moins un tiers des membres du jury doit posséder cette qualification ou une qualification équivalente. » (R 2162-22)

La question du conflit d’intérêts potentiel prend tout son sens dans le cadre des « sachants » invités à éclairer le maître d’ouvrage. Première évidence : « s’assurer déjà que le juré putatif n’est pas candidat », commence cet acheteur qui attend le retour de la consultation pour aller frapper aux portes des architectes ou ingénieurs.

Philippe Clemandot ©S.Laure

Mais, amis d’hier ou concurrents de demain… Il s’agit aussi de limiter les risques de connivences. « Parce qu’il n’est pas question de choisir un architecte de maison individuelle pour apprécier un équipement sportif ou un hôpital, on se retrouve forcément confronté à une communauté professionnelle limitée, capable de reconnaître la patte d’un pair, même anonymisée », pointe Philippe Clémandot.

Première astuce pour contourner l’obstacle : « passer par le conseil régional de l’Ordre – lequel dispose d’une liste de jurés potentiels formés à l’exercice », propose Christine Rossi, directrice de l’urbanisme et des affaires foncières à la ville d’Évry. Les architectes consultants de la MIQCP sont aussi une ressource de choix. Mais ce n’est pas toujours suffisant : « Pour limiter ce risque, la Région va chercher les jurés professionnels dans les autres départements que celui du projet », déclare Florence Trinh.

De toute façon, ajoute Cédric Garot, « les « sachants » sont là pour « dépayser » le dossier, le détourner d’un tropisme « localocentré » toujours possible, d’où l’intérêt d’aller les chercher au moins un, voire deux échelons territoriaux au-dessus de celui du maître d’ouvrage. » Enfin, si le texte n’impose aucune limite haute, « les personnes extérieures ne sauraient surpasser en nombre les représentants du maître d’ouvrage », prévient Arnaud Latrèche.

Jury bénévole ou défrayé

Certes, « être proposé comme membre est une marque de reconnaissance ainsi qu’une manière d’enrichir son réseau et ses pratiques », avance Cédric Garot. Néanmoins, l’engagement représente au moins deux jours « non travaillés ».S’il n’existe là encore aucune obligation légale, la plupart des personnes publiques pratiquent donc l’indemnité forfaitaire ou kilométrique, avec des tarifs situés entre 500 et 1 000 euros.

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