Inflation indigeste pour la restauration collective

Dans le secteur des denrées, les prix grimpent plus vite que l’inflation moyenne. Résultat, un acheteur sur quatre n’a pas trouvé de fournisseur pour répondre à ses besoins fin 2022… Au Salon des maires et des collectivités locales, les acteurs de la restauration collective ont interpellé les décideurs sur le sujet. En espérant de faire de l’alimentation, non plus une charge mais un investissement.

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« 24 % des appels d’offres portant sur la fourniture de denrées alimentaires ont été déclarés infructueux au troisième trimestre 2022, du jamais vu pour ce segment qui tournait autour de 7 % au premier trimestre 2018 ! ». Rapporté par Hervé Chevallier, responsable « intelligence marché » de Vecteur Plus, , le chiffre – de dix points supérieurs à celui de l’ensemble de la commande publique – résume à lui seul les symptômes d’une inflation plus qu’indigeste dans le secteur de la restauration collective. Il constituait à ce titre la solide entrée en matière de l’atelier que la profession proposait mardi 22 novembre au Salon des maires et des collectivités locales (SMCL) sous l’intitulé « Quel avenir pour la restauration collective dans le contexte actuel ».

Plus de 100 % pour les céréales ou les œufs

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En effet, entre les 12 000 autorités publiques génératrices de quelque 4 800 marchés annuels et leurs fournisseurs en la matière, il y a aujourd’hui de l’eau dans le gaz, et les 15 % d’appels d’offres émanant de l’univers sanitaire et social n’y font pas exception. En cause bien sûr des hausses prix hors sol, voire hors champs, que les acheteurs ne peuvent absorber. Crise sanitaire, difficultés logistiques, guerre en Ukraine…

Les raisons ne sont désormais que trop connues, mais les chiffres restent difficiles à avaler, par exemple plus de 100 % d’augmentation pour les fertilisants en moyenne annuelle glissante à en croire FranceAgriMer. Les intrants agricoles sont particulièrement touchés : toujours selon l’établissement national, engrais et amendements affichaient en septembre 135 % d’augmentation par rapport à la moyenne enregistrée entre 2015 et 2019. Les prix à la production n’échappent pas non plus à l’explosion : plus de 100 % pour les céréales ou les œufs, auxquels s’ajoute la hausse des intrants industriels et de la logistique : emballages plastiques, cartons, sans compter le gaz.

Deux fois plus que l’inflation globale

Pierre Claquin ©LD

À l’arrivée, les prix de l’alimentation ont donc bondi de 12 % sur un an et même 17 % pour les produits frais, deux à trois fois plus vite donc que l’inflation globale estimée par l’Insee à 6,2 %. Or, « c’est bien sur ces prix à la consommation que se fonde l’indexation des clauses de révision », insiste Pierre Claquin, directeur « marchés et études prospectives » de FranceAgriMer.

Alors que le spécialiste annonce des « prix des matières premières [qui] devraient rester durablement élevés et une progression de l’inflation alimentaire prévue encore par l’Insee », la question urgente est donc de « savoir ce qu’on met sur la table en investissement pour la filière France des approvisionnements » interroge Frédérique Lehoux directrice générale de GECO Food Service…

Des « petits choix » délétères

Marie-Cécile Rollin © LD

Car malgré des changements de pratiques, dont la lutte contre le gaspillage alimentaire, « les acteurs de la restauration collective ne peuvent plus compenser une inflation estimée à 20 centimes d’euros par repas à qualité constante, que ce soit en service autogéré comme concédé », rapporte Marie-Cécile Rollin, directrice de Restau’Co…

Et la situation est plus critique encore dans l’univers hospitalier où cette majoration pourrait même être doublée au regard des objectifs Egalim encore à mettre en œuvre, « moins de 10 % d’achats durables à ce jour dans les assiettes, contre déjà 50 % en milieu scolaire », alerte l’experte.

Aussi les acheteurs publics sont-ils amenés à faire des « petits choix », lesquels « finissent par déconstruire les filières et mettre les producteurs en difficulté », regrette-t-elle, évoquant ainsi des hôpitaux bretons qui ont dû supprimer le bio de leurs menus. De leurs côtés, les fournisseurs qui le peuvent se tournent vers l’export aux dépens de la souveraineté.

Faire de la charge un investissement

En attendant du PLFSS 2023 la création d’un « budget fléché vers les achats de la restauration collective » au titre de la souveraineté alimentaire, l’objectif est donc d’obtenir des décideurs publics un arbitrage financier en faveur du secteur. Si 60 % des 5 200 contrats de restauration collective actifs en 2023 ont déjà été signés – dont 40 % depuis plus de deux ans – le récent avis du Conseil d’État sur l’imprévisibilité peut déjà permettre de les renégocier.

Quant aux marchés à venir, il s’agit bien de « s’assurer que l’appel d’offres paie le juste prix de la qualité, car c’est aussi le rôle de la restauration collective publique que de soutenir l’économie locale et l’équité sociale », avance Marie-Cécile Rollin, laquelle en appelle à la responsabilité des ARS et des directions pour le secteur hospitalier. L’idée est, en clair, de faire de la restauration collective, non plus une charge ou une dépense, mais un service et un investissement. Mais même pour un budget représentant 1 % de la totalité de l’hôpital, l’argument reste à assimiler.

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