Double casquette achat/développement durable : un choix pertinent

Les achats sont un levier essentiel de la transition écologique des organisations. Particulièrement à l’hôpital où l’acquisition des produits nécessaires à la prise en charge des patients figure parmi les premiers émetteurs des gaz à effet de serre. Tout comme les activités logistiques comme les transports ou la restauration. Plusieurs établissements de santé ont donc choisi de rassembler dans la même direction le développement durable et les fonctions de soutien. Une formule plébiscitée par quatre directeurs concernés par ce choix d’organisation.

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Rassembler dans l’organigramme sous la même bannière le développement durable et les fonctions soutien a « du sens ». Porteurs de la double casquette, quatre directeurs interrogés s’accordent sur ce point. « À l’hôpital, le lien est très fort », synthétise Jérôme Meunier, directeur des achats et de la logistique et du développement durable du GH Bretagne Sud, qui renvoie, à l’appui de sa démonstration, aux estimations de l’ONG Shift Project.

Coupler le développement durable avec les achats et aussi la logistique

Les émissions indirectes (achats, transports, consommation et fin de vie de produits et de services) représentent en effet plus de 85 % de l’impact carbone du secteur de la santé en France (lire notre article du 29 novembre 2021 ). Les achats de médicaments, de dispositifs médicaux, les déplacements professionnels, la restauration pèsent, à eux seuls, 35,6 millions de tonnes équivalent CO2 par an. « C’est le reflet de l’impact environnemental de l’activité hospitalière », relève Jérôme Meunier.

Adeline Hocquet

C’est pourquoi Adeline Hocquet, directrice en charge des achats, de la logistique et du développement durable du CH Charles Perrens à Bordeaux, insiste sur l’importance de coupler non seulement les achats au développement durable, mais aussi la logistique. « Au travers de ces deux prismes, on peut travailler sur les circuits d’approvisionnement et la réception des marchandises, en réduisant par exemple les fréquences de commandes, mais aussi la gestion des déchets ou la lutte contre le gaspillage alimentaire », illustre-t-elle.

Provoquer des réflexes

Ce rapprochement change la donne. Premier avantage : insuffler une dynamique responsable au sein même des fonctions supports. « C’est positif pour provoquer des réflexes dans les achats, la logistique et les travaux », certifie Alexandra Mechoud, directrice des ressources matérielles et du développement durable du CH intercommunal de Haute-Comté.

Et pour embarquer les professionnels du secteur. Au GHU Paris Psychiatrie Neurosciences, Aline Coudray, directrice des opérations achats, logistique et développement durable, a mis un point d’honneur à former elle-même les juristes de sa cellule marchés à la nouvelle approche. « Nos acheteurs ont suivi des formations sur le CCP et le développement durable », confirme également Jérôme Meunier.

Aline Coudray

Deuxième atout : sensibiliser les prescripteurs et les challenger lors de l’expression du besoin, pour réfléchir à des considérations environnementales et sociales ou insérer des clauses au moment de la rédaction des cahiers des charges. « C’est un réflexe à avoir pour chaque achat, petit ou grand, il faut réfléchir à la durée de vie des produits, leur recyclage, à l’impact des consommables… Mais ce n’est pas encore un automatisme », admet volontiers Aline Coudray. Décidée à systématiser ce cheminement, elle travaille actuellement sur une charte des achats éco-responsables, chargée de finaliser la politique de l’établissement en la matière.

Montrer l’exemple

Troisième qualité de la formule : être locomotive en donnant l’exemple. Le GH Bretagne Sud a prévu de rédiger son Spaser, « d’ici la fin de l’année », promet Jérôme Meunier. Ce dernier compte aussi consacrer à la thématique une matinale achat (lire notre article du 11 février 2020), à laquelle il envisage d’inviter les acheteurs des agglomérations de Quimperlé et de Lorient, très sensibles au sujet.

Alexandra Mechoud

Au chapitre social, Aline Coudray a pris l’initiative de prévoir des clauses d’insertion dans son prochain marché de bionettoyage. Une première pour son GHU. Le 2 juin, le CH Charles Perrens (469 547 repas patients au compteur l’année dernière) sera le 3e EPSM français à entrer dans la démarche « Mon restau responsable ». La cuisine du CHI de Haute-Comté en fera de même prochainement. L’hôpital doubiste, qui vient de renouveler l’acquisition d’un engin électrique pour tracter chariots et poubelles, réfléchit aussi au verdissement de sa flotte. « Surtout pour les véhicules logistiques, même si le coût d’achat reste un frein », ajoute Alexandra Mechoud.

Une conjoncture peu favorable

Car, seule ombre au tableau, la pluri-compétence peut être source de schizophrénie, lorsqu’il s’agit de concilier les fameuses injonctions contradictoires. Le CH Charles Perrens a déjà passé en électrique plus de 10 % de son parc de véhicules (18 sur 157), mais les ambitions ont été revues à la baisse en raison des coûts, concède Adeline Hocquet. La volonté d’aller plus loin en respectant les contraintes budgétaires n’est pas forcément simple, surtout lorsque la conjoncture, marquée par les crises à répétition et les pénuries, ne favorise pas la prise en compte du développement durable.

« Cela va être compliqué, voire impossible s’agissant des 20 % de produits bio, d’appliquer la loi Egalim », prévient Aline Coudray. Son collègue Jérôme Meunier se veut résolument philosophe. « Nous examinerons au cas par cas et nous verrons si nous pouvons accepter de payer un peu plus lorsqu’il s’agira de maintenir de l’emploi sur place ou de favoriser le qualitatif. En cette période inflationniste, quitte à payer plus cher, autant que cela soit développement durable ». Avant d’ajouter que des actions peuvent être menées sans surcoût et même générer des économies. Comme le bon usage du tri, en évitant de déposer des déchets ménagers en DASRI. Ou la disparition progressive des bouteilles en plastique, un combat permanent et commun à tous les établissements.

 

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