Ville de Poitiers : de l’éthique dans le steak

Déjà très avancée en matière de restauration responsable, la ville de Poitiers nourrit une nouvelle ambition en s’engageant en faveur du bien-être animal. Première ville française à signer la charte ETICA de l’association Welfarm, elle veut ainsi faire de l’éthique le plat de résistance des menus collectifs poitevins.

La signature de la charte par la ville de Poitiers et l'association Welfarm © Y.Gachet/ville de Poitiers.

Avec 6 500 repas quotidiens (crèches, écoles, Ehpad…) préparés pour moitié à partir de denrées durables (25 % de l’agriculture biologique, 20 % de filières agricoles locales), la ville de Poitiers aurait largement pu se reposer sur ses deux couverts. Mais pour continuer d’encourager des pratiques toujours plus responsables tout en répondant à une demande sociétale croissante, la capitale historique du Poitou a décidé d’avaler une étape supplémentaire en signant, fin septembre 2022, la charte Etica de l’association Welfarm qui l’engage sur des approvisionnements plus respectueux du bien-être animal.

Fabrice Bonnifait © Y.Gachet/Ville Poitiers

« Pas question d’opposer végétaliens et carnivores ! » , prévient immédiatement Fabrice Bonnifait, directeur de l’agriculture et de l’alimentation de la ville et de sa communauté urbaine. La stratégie est même tout l’inverse : « par des achats publics encore plus responsables, il s’agit, au contraire, non seulement de peser sur la condition animale et la qualité de l’élevage, mais, à travers elles, d’agir aussi sur les conditions de travail des éleveurs, notamment par une rémunération plus juste », développe-t-il.

 

Les bonnes conditions d’une équitable condition animale

L’idée n’est donc pas de multiplier les repas « alternatifs », exempts de denrées animales, que la ville pratique déjà depuis quinze ans, aujourd’hui à raison de deux par semaine. La dynamique impose juste une façon nouvelle d’appréhender les approvisionnements en matière de viandes, volailles, œufs et produits laitiers. Mais simple à énoncer, la visée n’est toutefois pas sans relever de la gageure sur le terrain.

Les labels d’abord : « hormis l’agriculture biologique dont nous nous engageons à augmenter la part dans nos approvisionnements d’origine animale, les labels reconnus par Égalim ne sont pas tous vertueux du point de vue du bien-être animal », expose Sylvestre Nivet, directeur de la restauration collective de la ville. De plus, quels critères privilégier : l’élevage à l’air libre, l’alimentation, le mode d’abattage ?…

Le bien-être animal mis en clauses

Sylvestre Nivet © Y.Gachet/Ville Poitiers

En signant la charte Etica, seule démarche centrée à 100 % sur les animaux et dédiée à la restauration collective, « la ville bénéficie heureusement de de l’expertise de l’association Welfarm », précise Fabrice Bonnifait. Un vade-mecum exhaustif à suivre et un accompagnement qui inclut même, si besoin, une relecture de ses marchés publics. Car là encore, comment introduire et libeller ces clauses techniques dans les marchés, « surtout dans le cadre d’une commande publique dont les règles restrictives freinent le localisme, aux dépens de fournisseurs locaux, pourtant très vertueux en la matière, et des politiques de restructuration de filières territoriales », interroge Sylvestre Nivet.

Densité des animaux dans les élevages, âge minimum d’abattage, mort par étourdissement gazeux… En vue des marchés à renouveler en 2024, cette année sera donc consacrée au sourcing pour chacun des produits d’origine animale concernés, avec l’appui technique de Welfarm.

Un joli coup sans surcoût

« Suivront les cahiers des charges qui, à, partir de toutes ces spécifications, multiplieront les allotissements et ce dans un cadre multi-attributaire afin de favoriser la candidature des « petits producteurs », décrit Fabrice Bonnifait. Et la collectivité, qui consacre 3 millions d’euros à ses achats annuels de restauration, ne s’attend même pas aux surcoûts.

« Il suffit de réinvestir les économies réalisées sur les protéines végétales et/ou d’équilibrer avec les 50 % de notre alimentation assurés par des produits conventionnels », indiquent les deux responsables, lesquels aspirent même à un élargissement progressif de la démarche en y associant, à terme, le CROUS et le CHU de Poiriers déjà engagés à leurs côtés dans une coordination des achats responsables. Ou comment faire de la commande publique la « fourchette armée » d’une politique territoriale toujours plus vertueuse.

Réagir à cet article

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *