Sophie Beaudouin-Hubière : verdir concrètement la commande publique

Sophie Beaudouin-Hubière, députée de la Haute-Vienne, mène jusqu’au 31 juillet, une mission parlementaire sur le verdissement de la commande publique, en tandem avec la sénatrice du Finistère Nadège Havet. Son objectif ? En aborder des aspects pratiques, voir comment améliorer l’appropriation des textes, trouver les moyens d’aider au changement de culture dans la commande publique.

achat-logistique.info : Quel est le sens de votre mission alors que le développement durable irrigue déjà bien des textes touchant à la commande publique ? Encore récemment l’article 15 de la loi Résilience et Climat va rendre obligatoire un critère environnemental…

Sophie Beaudouin-Hubière : « Un premier aspect de notre travail va justement concerner cette profusion. Il existe beaucoup de règles, de textes. Jusqu’à quel point sont-ils connus et appliqués ? Cela vaut la peine d’investiguer sur cette question. En particulier pour les lois que nous avons votées depuis 2017.

Deux exemples : les relèvements de seuil de la loi d’accélération et de simplification de l’action publique (ASAP) sont bien connus mais l’application de l’affacturage inversé introduit dans la loi pour la croissance et la transformation des entreprises (PACTE) n’est encore que balbutiante. Comment, de façon concrète, améliorer l’appropriation des textes aussi bien par les acheteurs que par les entreprises ? Nous allons y réfléchir. Nous voulons entre autres mieux faire partager les bonnes pratiques. »

achat-logistique.info : Votre mission doit-elle déboucher sur une loi ?

Sophie Beaudouin-Hubière : « Au stade où nous en sommes, non. Nous proposerons peut-être une ou deux évolutions de la réglementation mais le cœur de notre mission, c’est le suivi et le pilotage stratégique du verdissement de la commande publique en France. Nous devrons sans doute pour cela, nous donner des indicateurs nouveaux, nous attacher davantage à certaines données.

Je prends l’exemple des clauses d’insertion. On sait que leur utilisation stagne. Mais derrière l’affichage de volumes d’heures, combien de personnes ? quels emplois ? Il y a sans doute besoin d’approfondir. Au-delà de ce qu’on mesure, il est important d’inciter les acteurs de la commande publique à aller plus loin dans leur démarche de développement durable et responsable. »

achat-logistique.info : Vous privilégiez l’incitation à l’assignation de nouveaux objectifs ?

Sophie Beaudouin-Hubière : « Oui. Je suis pour la simplification en général et j’ai confiance dans les acteurs. Je crois, en revanche, qu’il faut mieux les accompagner. Pourquoi, par exemple, ne pas penser à des clausiers-types dans certains achats cruciaux pour le développement durable comme la rénovation des bâtiments et dont pourraient se saisir toutes les collectivités même les plus petites ? Cela peut changer bien des choses à un moment où le Plan de relance va donner de l’argent à dépenser aux collectivités.

Il faut trouver ainsi, plus généralement, les moyens d’aider au changement de culture dans la commande publique. Que le réflexe développement durable trouve une place à côté du réflexe prix à quoi se résume encore beaucoup d’appels d’offres par peur de ne pas maîtriser les subtilités techniques d’un marché et des risques juridiques. Pourtant certaines collectivités parviennent à enrichir le contenu en développement durable de leur note technique de sorte que le prix ne finisse pas par être le seul critère de choix. On peut s’en inspirer, mieux faire connaître leurs méthodes. »

achat-logistique.info : Dans sa lettre de mission, le Premier Ministre vous demande de promouvoir le coût global des projets, le cycle de vie des produits et des services. Comment abordez-vous cette question ?

Sophie Beaudouin-Hubière : « Combien de communes, de communautés de communes renoncent à leurs projets parce que leur budget de fonctionnement ne leur permet pas de suivre ? Il y a donc un véritable enjeu à investir en songeant à ce que j’appelle le coût de possession : combien cet investissement va-t-il coûter pas seulement à l’achat mais dans le temps ? C’est ainsi que l’on peut le sélectionner de manière à dégonfler le budget de fonctionnement, à limiter les coûts d’entretien, voire à intégrer la valeur au moment du recyclage. Mais c’est au moment de l’achat qu’il faut y penser. Comme une voiture pour laquelle on pense aussi à sa consommation quand on l’achète, si elle est solide, pas seulement à son prix. »

achat-logistique.info : Vous voilà avec beaucoup de freins à lever…

Sophie Beaudouin-Hubière : « Bien sûr. Notre avantage c’est d’arriver avec un regard neuf, ni juridique, ni technique mais de Politiques de terrain. »

achat-logistique.info : N’avez pas un travail de vulgarisation de l’achat public « vert » à mener aussi du côté des entreprises, les fournisseurs des acheteurs publics ?

Sophie Beaudouin-Hubière : « Le Premier Ministre nous a demandé d’améliorer la connaissance qu’ont les PME des règles et des bonnes pratiques en matière d’achat public durable et responsable et de leur en améliorer l’accès. Nous avons beaucoup fait, dans ce quinquennat, pour la simplification de la commande publique à leur intention. Il faut le leur faire connaître. Mais nous avons aussi des moyens à trouver pour mieux prendre en compte ce qu’elles apportent en matière de développement durable.

Deux exemples : les acheteurs aiment les labels, c’est plus simple pour eux mais pour les entreprises, il est souvent trop coûteux de se faire certifier ; acheter au Pakistan une blouse médicale lavable, recyclable qui est produite plus près, en France, c’est peut-être trop passer outre l’empreinte carbone de l’achat. Dans les deux cas, il y a des solutions, les plus simples possibles, à trouver. »

achat-logistique.info : Le Premier Ministre vous a demandé de proposer des évolutions au niveau européen….

Sophie Beaudouin-Hubière : « Les améliorations auxquelles nous penserons pour la France, nous les plaiderons auprès de nos collègues députés européens. Mais on entend souvent que « la réglementation européenne serait trop libérale ce qui interdirait, par exemple la préférence locale ». Ce n’est pas tout à fait vrai. Je crois que là-aussi, se posent des questions de lisibilité et de simplicité des règles européennes. »

achat-logistique.info : Vous rendez votre rapport le 31 juillet. Vos préconisations couvriront-elles toutes les fonctions publiques, l’Etat, les collectivités territoriales et la fonction publique hospitalière aussi ?

Sophie Beaudouin-Hubière : « Nous n’oublierons aucun champ mais le choix dont nous avons convenu avec le ministère de l’Economie est de nous concentrer sur les commandes de l’Etat et des collectivités territoriales, ce qui est déjà énorme. La fonction publique hospitalière, les achats énormes qu’elle représente, mériteraient une mission parlementaire à elle toute seule. Non pas pour faire œuvre de parti pris mais plutôt de ne pas se disperser pour tâcher de rester pertinent. »

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