Repenser l’EHPAD de demain

Transformer les murs pour avoir des bâtiments offrant de nouveaux services, ouverts sur l’extérieur, avec une approche plus « domiciliaire », voilà l’orientation définie lors des dernières Assises nationales des EHPAD afin d’éviter les résidences ghettos du 4e âge. Des bâtiments, neufs ou rénovés, qui devront aussi respecter les normes environnementales et permettre d’atteindre les ambitieux objectifs du décret tertiaire.

© Epictura

Selon l’INSEE, 4 millions de Français seront en « perte d’autonomie » dans 30 ans. Sur ce total, près d’un quart d’entre eux devront trouver un hébergement dans un établissement spécialisé. Aujourd’hui, les EHPAD publics et privés peuvent accueillir environ 600 000 personnes. C’est dire l’ampleur des besoins. Et la moitié des bâtiments, selon les chiffres de l’Agence d’appui à la performance (ANAP), a été construit ou rénové avant 2004. Mais le défi n’est pas seulement quantitatif, il est aussi qualitatif.

Comme le soulignait le rapport parlementaire de Monique Iborra et Caroline Fiat en 2018, les aînés ont « droit au beau et au bon », alors même que les générations accueillies dans le futur par des EHPAD ainsi que leurs familles seront beaucoup plus exigeantes. « L’EHPAD est, avant tout, la transposition en établissement du domicile du résident et doit rester un véritable lieu de vie », insistaient les deux députées.

Se sentir chez soi

Lors des dernières Assises nationales des EHPAD à Paris le 17 septembre, deux architectes ont donné les clefs d’édifices dans lesquels « on se sent plus chez soi », après avoir jeté aux orties le vocable EHPAD, « mot creux et technocratique pour des établissements qui méritent mieux et qui sont remplis de sens », au profit de maison de retraite. « Ce sont des lieux de vie avant tout, on ne vit pas pour se soigner, mais on se soigne pour vivre », a rappelé Jean-Pierre Lévêque, architecte du cabinet Brénac & Gonzalez.

La crise sanitaire doit fait prendre conscience du besoin de qualité s’agissant du cadre de vie. Les programmes que l’on va construire à partir d’aujourd’hui ne doivent pas se réduire à des problématiques de rentabilité entre surface utile et surface de plancher, a-t-il déclaré. Sa consoeur Pascale Richter (cabinet Richter et associés) a reconnu les défauts de sa corporation, qui a souvent tendance à projeter ses propres fantasmes dans les lieux imaginés, avec une vision d’actif aspirant au calme, aux antipodes de la « vie contemplative ».

Premier point crucial : le choix du lieu. « Un EHPAD n’est pas un objet isolé », a mis en avant Pascale Richter, il doit se trouver au cœur de la ville, du village, et « dans son architecture, entrer en conversation » avec son environnement. Les projets positionnés par exemple près d’un centre commercial, en raison d’un foncier moins onéreux, sont voués à l’échec. « Ce n’est pas parce que, tout d’un coup, on est dépendant que l’on doit se retrouver perdu au milieu de la forêt ou des champs », a confirmé Jean-Pierre Lévêque. Pour autant, le cliché de l’établissement distant n’est pas forcément le reflet de la réalité. Selon l’ANAP, 70 % des EPHAD se situent en zone urbaine, dans un centre-ville ou une banlieue.

Une maison vivante

Deuxième élément essentiel : la maison de retraite doit être « vivante » créateur de lien social avec son environnement, et non la traduction « d’un organigramme fonctionnel ». Ce lien ne doit pas une « proximité qui dérange » mais un lien juste avec le contexte local, par exemple une médiathèque, un espace de restauration, a argué Pascal Richter. Le rapport parlementaire de 2018 mettait en valeur le cas de l’EHPAD de l’Abbaye de Saint-Maur-des-Fossés, lieu d’accueil d’une crèche et d’un théâtre, facteurs d’ouverture de la structure sur l’extérieur. Une philosophie qui devra aujourd’hui aussi concilier la nécessaire protection des seniors, conséquence de la crise sanitaire.

La mixité inter générations est « essentielle », a insisté Jean-Pierre Lévêque. L’architecte a plaidé pour des espaces extérieurs « généreux », et un « lieu de foyer » intérieur, sous forme d’atrium comme à l’EHPAD de Saint-Denis, une place centrale qui offre la possibilité de se voir et de se rencontrer. De même, les distributions doivent être « pensées comme des lieux de vie », des endroits de promenade et de sociabilité, avec des œuvres artistiques pour ouvrir au monde, a argumenté Pascale Richter.

Approche domiciliaire

Pouvoir avoir un « lieu à soi », débute par l’entrée de chambre, à l’image d’une maison, avec un véritable seuil, la possibilité de le personnaliser, une lanterne, un banc pour s’asseoir, afin d’en faire une zone de rencontre. Pascal Richter a également plaidé pour une augmentation de la superficie : comment résumer 90 années de vie dans 15 ou 20 m2 ? « Cinq mètres carrés de différence changent tout, car vous pouvez recevoir chez vous, reconstituer un univers » et bénéficier de deux fenêtres, c’est-à-dire de plus de ventilation naturelle.

Les réhabilitations ou constructions doivent aussi prévoir des espaces extérieurs, un balcon, une terrasse, de quoi rompre l’isolement lors d’un confinement. « Les professionnels, les personnes âgées ne veulent plus venir chez nous. On doit refaire envie avec des établissements agréables à vivre, ouverts sur l’extérieur, intégrés dans leur territoire », a admis Didier Sapy, directeur de la Fédération nationale avenir et qualité de vie des personnes âgées (FNAQPA). Transformer, apporter de nouveaux espaces et de nouveaux services ne sont pas des missions impossibles : toujours selon les données de l’ANAP, 40 % des EHPAD disposent d’une surface non bâtie de plus de 6000 m2.

Respecter les obligations du « décret tertiaire »

L’évolution des sites devra aussi intégrer la problématique du développement durable et la maîtrise de l’énergie. « La réflexion sur l’usage des bâtiments, sur leurs fonctions, sur leur évolution possible va être une pierre contributive importante aux capacités à atteindre aux objectifs », a résumé Marie-Hélène Orsay, référente immobilier de l’ANAP. Concernés par l’application du « décret tertiaire » qui impacte les bâtiments de plus de 1000 m2, les EHPAD auront eux aussi l’obligation de respecter les seuils de réduction des consommations énergétiques fixés par le gouvernement : 40 % d’ici 2030, 50 % en 2040, 60 % en 2050. Le tout alors que le risque caniculaire grandissant incite de plus en plus à réfléchir aux solutions de climatisation.

« La marche est haute » a reconnu Pascal Brûlé, ingénieur au CH de Mantes-la-Jolie et référent technique/énergie du Resah et les établissements n’y arriveront pas seuls. « Il n’est pas certain que tous les directeurs d’EHPAD aient connaissance réellement de leur consommation énergétique. Ils savent peut-être ce que cela leur coûte, mais ils n’ont pas la connaissance de la répartition d’énergie en fonction de leurs bâtiments », a-t-il poursuivi. C’est pourquoi le Resah, qui propose déjà le recours à une solution d’information de management de l’énergie (SIME) capable de piloter les consommations et de suivre la facturation, devrait notifier un nouveau marché de prestations d’études et d’assistance pour l’efficacité énergétique d’ici la fin de l’année : « il répondra aux différentes attentes du décret tertiaire jusqu’en 2025 », a promis Pascal Brûlé.

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