Réemploi : Strasbourg montre l’exemple

Avant même que la législation n’oblige les acheteurs publics à favoriser l’acquisition de biens recyclés ou réemployés, l’Eurométropole de Strasbourg a montré, via deux marchés consacrés à du mobilier et à de l’électro-ménager, tous les bénéfices que l’on pouvait tirer de la démarche : impact environnemental réduit, gain économique et insertion sociale. Un vrai « show-room » en faveur de l’économie circulaire.

© Eurométropole Strasbourg

Faire du neuf avec du vieux, récupérer, reconditionner, acheter d’occasion. Avec la loi AGEC et son décret d’application imposant des quotas de produits issus du réemploi ou fabriqués à partir de matières recyclées pour une quarantaine de fournitures, les acheteurs publics vont devoir apprendre à avoir de nouveaux réflexes. Pour sa part, l’Eurométropole de Strasbourg a devancé l’appel avec deux marchés que le ministère de la Transition écologique a d’ailleurs cités dans sa notice explicative du décret AGEC commande publique.

Le premier a concerné l’achat de mobilier pour aménager la pépinière d’entreprises de Hautepierre. « L’initiative est venue de deux collègues de la direction de l’économie et de l’attractivité. Comme notre Spaser, édition 2018, favorisait déjà le réemploi, elles se sont dit : pourquoi pas ? », explique Antonin Klapka, coordonnateur des achats, en charge notamment de toute la partie achat durable, à l’Eurométropole.

Une nouvelle vie pour du mobilier

Mange debout fabriqué avec des tambours de machine à laver © Eurométropole Strasbourg

Avec l’aide d’un architecte décorateur, une vingtaine de pièces a été réalisée à partir d’invendus ou d’objets de seconde main. Des meubles ont ainsi retrouvé une nouvelle vie dans un design conforme à l’esprit du lieu. D’autres ont ressuscité sous une nouvelle forme : les manges-debout ont été fabriqués à partir de tambours de lave-linge, une table s’est métamorphosée en plateau d’échecs.

L’approche recèle beaucoup d’avantages : l’impact environnemental moindre naturellement, des économies (12 % par rapport à un panier moyen d’équipements équivalents, en comprenant l’achat, les réparations et l’embellissement et la prestation de l’architecte). Sans oublier le volet social, insiste le coordonnateur des achats strasbourgeois, puisque les acteurs du réemploi sont aussi engagés dans une démarche d’insertion.

© Eurométropole Strasbourg

Il y a tout de même un petit revers à la médaille. « La démarche nécessite plus de temps qu’un marché à bons de commande où l’on choisit ce que l’on veut. Ici, il faut identifier les mobiliers, les réserver, les réparer, puis aller les chercher », remarque Antonin Klapka. Pour autant, la méthode a emporté l’adhésion des utilisateurs, si bien que l’opération a été dupliquée à d’autres pépinières.

D’abord répondre au besoin

Le second marché a porté sur du matériel électro-ménager, un MAPA passé en groupement avec le SDIS du Bas-Rhin et d’autres communes : fours micro-ondes, réfrigérateurs, machines à café, aspirateurs… Là encore, la méthode se révèle à la fois fructueuse pour la planète et le porte-monnaie, dès lors que les frais de livraison sont mutualisés.

La capitale alsacienne a effectué un sourcing, histoire de s’assurer qu’elle aurait des réponses. Et elle laisse l’alternative aux services. « Ils ont la possibilité d’acheter en neuf, s’ils ne trouvent pas en réemploi ou si les quantités disponibles sont insuffisantes », précise Bruno Koebel, DGA chargé des finances, du patrimoine, des partenariats et logistique durables, « La satisfaction des utilisateurs reste un élément important. Et la pire des publicités qu’on pourrait faire à cette démarche serait d’opposer un refus aux besoins des collègues. »

Ne pas oublier les blocages psychologiques

Quelles leçons tirer de l’expérience ? Avant tout repérer les domaines d’achat susceptibles de convenir et privilégier les petites opérations, en raison des stocks. « Cela fonctionne bien sur des petits montants avec des procédures qui ne doivent pas être contraignantes car les opérateurs du réemploi n’ont pas l’habitude de répondre à des appels d’offres », confirme Hélène Vurpillot, cheffe du service des achats. Strasbourg a pris la peine de proposer des formations aux marchés publics aux entreprises du réemploi afin de mieux les préparer à de futures consultations.

Ensuite bien planifier l’opération en raison du temps supplémentaire nécessaire. Enfin passer l’obstacle psychologique. « Ne pas avoir du neuf peut donner l’impression que le matériel est moins performant », illustre Bruno Koebel. C’est pourquoi la collectivité a cherché à rassurer les utilisateurs en intégrant dans le marché une formule location, ainsi qu’une extension de garantie.

L’Eurométropole ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. D’autres projets, comme les jouets des crèches, pourraient suivre. En attendant, Bruno Koebel glisse une suggestion à l’oreille des pouvoirs publics. « L’achat d’occasion se développe et c’est une très bonne chose : cela encourage l’économie circulaire. Mais ce type d’achat ne se présente pas toujours. Dans ce domaine, on pourrait imaginer une dérogation plus large à l’obligation de mise en concurrence, pour permettre aux acheteurs de saisir les opportunités qui peuvent se présenter et d’être réactifs. »

 

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