Plaidoyer en faveur d’une logistique plus durable

Dans une récente tribune, Rudy Chouvel a incité les établissements de santé à se saisir au plus vite du sujet des impacts environnementaux de leur activité. Directeur de la logistique et du développement durable du centre hospitalier de Moulins-Yzeure, il a engagé plusieurs actions, notamment dans le domaine de la restauration, bénéfiques pour la planète et pour l’établissement.

Moins médiatisée que celle des transports aériens ou de certaines industries, la pollution des hôpitaux n’est pourtant pas marginale. L’activité des établissements de santé est à la fois grande dévoreuse d’énergie (2 % de la consommation annuelle française) et de ressources naturelles, et grande productrice de déchets (3,5 % du volume français), d’effluents et de gaz à effet de serre. En Australie, le système de soins australien contribuerait à hauteur 7 % des émissions du pays.

« Si l’hôpital prend soin du corps et de l’esprit, il relève également de sa responsabilité, comme de celle de toutes les administrations, de protéger l’environnement des effets néfastes de son activité », écrivait, dans une récente tribune (voir le lien en bas de l’article), Rudy Chouvel. Le directeur des services logistiques et du développement durable du centre hospitalier de Moulins-Yzeure appelle ses pairs à se mobiliser et les autorités publiques à prendre leurs responsabilités pour « amorcer, cultiver et inventer des politiques robustes et ambitieuses. »

Besoin d’un cadre national

Rudy Chouvel

Interrogé, il reconnaît que la prise de conscience s’amplifie, citant l’exemple des 50 propositions pour engager la transformation écologique du système de santé publiées début septembre par la Fédération hospitalière de France. La crise sanitaire a aussi accéléré le mouvement. « Même les promoteurs de l’usage unique se sont rendu compte que cela devenait écœurant de voir jeter chaque jour des milliers de surblouses, casaques et tabliers. »

Pour autant, il regrette l’absence de consignes nationales ou régionales. « Localement, on se sent un peu seul », constate-t-il, soulignant également le manque d’argumentaires. « Il est par exemple dommage que chaque établissement soit obligé de faire sa propre étude d’impact afin d’estimer l’intérêt de doter le vaguemestre d’une voiturette électrique, d’estimer le gain environnemental de telle ou telle solution numérique, ou de trouver des alternatives aux barquettes plastique ». Rudy Chouvel cite à l’appui de son propos le gaz Desflurane, dont les émissions sont si nocives pour la planète que le CH de Bristol au Royaume-Uni a engagé un programme pour limiter son usage (lire notre article du 11 mars 2020). Pour lui, il reste compliqué de demander aux anesthésistes de changer leurs pratiques, sans instructions des autorités ou recommandations des sociétés savantes.

Les petits ruisseaux font les grandes rivières

Malgré tout, il reste persuadé que les directions logistiques peuvent apporter leur pierre à l’édifice, avec des actions à retour rapide, simples à mener et capables de convaincre de l’intérêt de la démarche. La restauration est, selon lui, un secteur à privilégier. D’abord en récupérant des repas non consommés habitués à finir à la benne. « Les hôpitaux sont implantés dans des grandes localités ou des villes moyennes avec un tissu associatif. Il est assez facile de trouver un organisme caritatif qui se chargera de récupérer les aliments et de les redistribuer à des personnes dans le besoin. »

Les biodéchets utilisés par un éleveur de chien

Le tri des biodéchets s’inscrit dans la même logique. A Moulins-Yzeure, le CH a ainsi déniché une filière innovante, en recyclant les restes alimentaires au moindre coût au profit du cheptel d’un élevage de chiens situé à proximité (lire notre article du 7 février 2020). Des démarches bénéfiques de surcroît pour l’image des établissements de santé. « Ce sont potentiellement des sujets positifs en matière de communication. La presse régionale n’a pas toujours les yeux de Chimène pour les hôpitaux publics, avec des articles souvent réduits à la trop longue attente des urgences ou aux maladies nosocomiales. » L’alimentation représente également un fer de lance pour les circuits courts. « Là aussi, cela peut être très rapide, simplement en servant une fois par semaine des produits locaux et de qualité. Ce n’est pas compliqué ».

Le coût global favorise le durable

Joignant le geste à la parole, Rudy Chouvel et ses équipes sensibilisent régulièrement leurs collègues et l’ensemble de l’établissement aux moyens de limiter l’impact environnemental. Plusieurs initiatives ont été lancées à l’occasion de la semaine européenne du développement durable, qui se déroule du 20 au 26 septembre. Deux menus complets ont été servis (1700 repas au total), composés avec des produits de fournisseurs situés au maximum dans un rayon de 100 km : lentilles, pommes de terre, pâtes, bœuf bourguignon, saucisses, yaourts…

La facture sera certes plus importante. « Le kilo de lentilles a été acheté trois euros au lieu d’un euro trente », illustre Geneviève Pressé, responsable logistique de l’hôpital. Mais il s’agit de sortir du carcan du prix d’acquisition et d’avoir une analyse plus globale : moins de transport, moins de déchets, meilleure contribution aux soins. « Une viande de meilleure qualité aura un meilleur apport de protéines, ne nécessitera pas la fourniture de compléments nutritionnels, et en définitive, produira moins de gaspillage », assure-t-elle.

L’hygiène numérique au menu

Un jeu de cartes pour mieux identifier DASRI et DAOM

La restauration n’est pas seule au menu de la semaine du développement durable. L’équipe d’hygiène du CH, accompagnée d’une cadre des services logistiques, a fait le tour des unités de soins pour mieux identifier DASRI et DAOM, avec l’aide d’un jeu de cartes fabriqué en interne. La dernière journée est placée sous le signe de la « sobriété numérique ». Ce « vendretri », les services seront invités à nettoyer leurs messageries et à éliminer les méls superflus ou devenus inutiles. De quoi réduire l’empreinte carbone (un simple mél provoque environ l’émission de 10 grammes de Co2 par an selon l’entreprise Cleanfox) et libérer de l’espace sur les serveurs, gros consommateurs d’électricité.

 

Pour lire la tribune de Rudy Chouvel

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