Nadège Havet : l’achat durable nécessite une impulsion financière de l’État

Sénatrice du Finistère, co-auteur du rapport « Pour une commande publique sociale et environnementale » remis la semaine dernière, Nadège Havet est convaincue que des incitations financières de l’État permettront à l’achat responsable de franchir un nouveau palier. Elle souhaite également qu’un délégué interministériel soit nommé afin d’entretenir la dynamique.

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achat-logistique.info : Après six mois d’audition, quelle vous semble la manière la plus efficace de « verdir » la commande publique en France ?

Nadège Havet : « Même si nous soulignons ce qui a été déjà fait dans les lois récentes (PACTE, ASAP, Résilience et Climat) il faut, selon nous, une nouvelle impulsion financière de l’ État. Sur le terrain, les subventions aux collectivités, dotations annuelles d’équipement des territoires ruraux (DETR) et dotations de soutien à l’investissement des départements (DSID) ainsi que les contrats de plan État-Région devraient être conditionnés à l’atteinte de certains taux de considérations environnementales et sociales dans les achats publics. Les priorités seraient fixées par le préfet, aux projets mettant en œuvre des achats durables.

Tous les cadres dirigeants des administrations, des établissements et des services publics réalisant des achats, des collectivités de plus de 3500 habitants devraient se voir assigner des objectifs d’achats durables et recevoir des primes s’ils les atteignent. Dans notre 20ème recommandation, nous proposons que les acheteurs eux-mêmes bénéficient, par exemple, d’un complément d’indemnité annuelle en fonction des objectifs atteints. »

achat-logistique.info : Y compris dans la fonction hospitalière ?

Nadège Havet : « Oui, pour qu’ils soient placés dans la même dynamique. Avec six mois seulement devant nous, nous nous sommes concentrés sur la commande publique de l’ État et des collectivités territoriales. La fonction publique hospitalière mériterait sans doute à elle seule une autre mission parlementaire du fait de sa taille et de ses fonctionnements.

Comme les autres services publics, les hôpitaux devraient se voir assigner des objectifs d’achats durables. Pour les atteindre, l’AP-HP nous a expliqué qu’elle pourrait utiliser le nouveau mécanisme des clauses incitatives des cahiers de clauses administratives générales (CCAG) relatives à la réalisation anticipée des prestations.

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Des objectifs environnementaux seraient fixés à ses fournisseurs sur chacun des marchés passés : des taux de remplissage de camions de livraison, des diminutions de volumes de déchets, de consommation de CO2, d’utilisation d’un produit de lessive ; des taux de produits issus du réemploi, etc. Ils seraient fixés à partir d’une norme ou d’une situation de base à améliorer.

Le fournisseur bénéficiant d’une prime ou d’un malus selon sa performance, les dirigeants des services acheteurs et les acheteurs en leur sein seraient impliqués dans la même dynamique avec les compléments de salaires créés pour eux. »

achat-logistique.info : Vous voulez placer la nouvelle dynamique générale dans les mains d’un délégué interministériel rattaché auprès du Premier Ministre ?

Nadège Havet : « Oui parce qu’au moment d’avoir à dépasser l’attribution des marchés publics en fonction du prix, ce serait envoyer un mauvais signe aux acheteurs de confier le pilotage du « verdissement » de la commande publique au Ministère de l’Economie et des Finances.

C’est une tâche qui incombe à tous, comme le handicap confié à Sophie Cluzel. D’ailleurs nous étions en mission parlementaire sous l’égide aussi des ministères de l’écologie et du travail. Mais en même temps, nous disons qu’il faut envisager, à tous les échelons, de prendre en charge par les budgets les surcoûts liés au verdissement des achats.

achat-logistique.info : Que recommandez-vous aujourd’hui pour évaluer un achat en matière environnementale et sociale ?

Nadège Havet : « Ce sujet est traité par la loi Résilience et climat. Le gouvernement doit fournir des outils. En attendant, nous proposons aux acheteurs d’avancer sur les coûts complets de possession qui s’appuient sur des analyses de la qualité, de la maintenance, de l’élimination, produit par produit, éléments finalement chiffrables.

À cet égard, des procédures d’achats riches d’enseignement, notamment dans l’évolution de la relation avec les fournisseurs autour d’une prise en compte de coûts plus complets ont été menées récemment par la RATP. Également par la direction de l’immobilier de l’ État. Mais cela réclame une analyse sectorielle de la part des acheteurs. Dans ces matières, nous débutons. Mais nous demandons au gouvernement de fournir des outils d’évaluation reconnus le plus vite possible. »

Lire notre article sur le rapport relatif à l'achat public responsable

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