Megadore, projet de recyclage du gadolinium

Né au CHU de Brest, le projet Megadore propose à tous les services de radiologie de constituer une filière de recyclage du gadolinium, la « terre rare » présente dans les agents de contraste des IRM. Lancée mi-décembre, l’idée reçoit un accueil enthousiaste.

© Epictura

Le tout récent Livre blanc de l’écoresponsabilité de la Société française de radiologie (« Sur la voie de la « Green Radiology », janvier 2022) l’identifie comme un sujet de l’heure : la récupération du gadolinium utilisé dans les produits de contraste des IRM.

En octobre dernier, le professeur Douraied Ben Salem, neuroradiologue au CHU de Brest, Jean-Alix Barrat, géochimiste, et Raphaël Tripier, chimiste, tous deux de l’Université de Bretagne Occidentale, à Brest, ont présenté un projet à ce sujet aux Journées de la radiologie française. Baptisé Megadore pour Medical Gadolinium Recycling, il s’agit de constituer un réseau de centres d’IRM « verts » qui en assurerait la collecte. Comme on l’a fait pour l’iode ou l’argent des radios.

Dans les coquilles Saint-Jacques

Selon eux, une filière de retraitement peut voir le jour. Un laboratoire fabricant de produits de contraste y est prêt. « Le gadolinium, tel qu’il est utilisé en IRM, sous forme chelatée (la chélation est un procédé visant à éliminer la présence de métaux nuisibles dans l’organisme à l’aide d’un agent), est inoffensif pour l’homme. Après l’examen, un patient l’élimine rapidement. Mais les stations d’épuration ne le filtrent pas. Au rythme exponentiel où se développent les IRM, le risque de pollution n’est pas mince », alerte Jean-Alix Barrat.

Quarante-six IRM verts

Le professeur Douraied Ben Salem, neurochirurgien au CHU de Brest et Jean-Alix Barrat, géochimiste à l’université de Bretagne Occidentale

« Le gadolinium ne représente que 5 % de la production des terres rares mais il est totalement rejeté dans les milieux aquatiques. On le sait depuis qu’en 1996 des Américains en avaient repéré des traces dans l’eau. Nous, nous avons été alertés en en trouvant dans les coquilles Saint-Jacques de la rade de Brest. C’est finalement pour des raisons environnementales et éthiques (le gaspillage d’un bien précieux mais dont le raffinage en lui-même pollue déjà beaucoup) qu’il faut donc s’en occuper. Voire d’indépendance nationale puisque ce gadolinium vient essentiellement de Chine », explique le géochimiste.

L’idée a reçu un bon accueil. Le 9 février, 46 centres (CHU, CH, Centre de Lutte contre le Cancer, GIE…) correspondant à un parc de 110 IRM ont rejoint le projet, devenant chacun « centre IRM Vert ». Des appels viennent aussi de Belgique, d’Allemagne. Les trois scientifiques visent de convaincre 300 centres en France et en Europe d’ici la fin de l’année. Economiquement, il peut s’avérer important de concentrer la collecte sur un nombre limité de centres de retraitement car les volumes recueillis ne peuvent être importants.

Requalifier la molécule d’agent de contraste

Des recherches doivent suivre. « Il s’agit d’abord d’évaluer le « minerai » disponible. J’utilise ce terme à dessein » indique Jean-Alix Barrat. 15 % environ du contenu non utilisé des seringues partent en général à la poubelle. Plus faciles à récupérer que le gadolinium injecté.

La recherche devra identifier la bonne fraction des urines à éventuellement récupérer, autrement dit le moment où il y est le plus présent pour imaginer un protocole de collecte. « Ainsi, nous pourrons peut-être doubler, atteindre 50 %, voire plus la quantité de gadolinium susceptible d’être récupérée », chiffre Douraied Ben Salem.

Il faudra aussi étudier comment extraire le gadolinium des urines. Comme il est chelaté, c’est plus compliqué. « Il faut découvrir le moyen de requalifier la molécule d’agent de contraste. On définira sans doute pour elle un trajet de purification », poursuit Douraied Ben Salem.

Le rôle des acheteurs

Viendra ensuite l’étape du recyclage, sans doute dans l’industrie. Il est présent par exemple dans certains aimants. « Tout cela a un coût. Une tonne de gadolinium recyclé vaudra toujours plus cher que la tonne venu en ligne directe des mines, c’est pourquoi il est difficile, toutefois d’imaginer construire une filière de recyclage », admet Jean-Alix Barrat.

« Mais quand un patient achète en pharmacie 70€ les 15 ml d’agent de contraste qui ne valent plus rien après le scan puisqu’ils disparaissent dans la poubelle ou dans les eaux usées, ils retrouveront, en théorie, une certaine valeur grâce au recyclage. Les acheteurs publics d’agents de contraste dans les hôpitaux désormais tenus à des achats responsables, pourront au moins privilégier les laboratoires qui s’en chargent. Et puis après tout, c’est la première fois que des équipes hospitalières s’attaquent au problème », argue-t-il.


1 réaction
  1. carre dit :

    Très bonne initiative
    Je travaille dans un cabinet de radiologie dans le Gard avec deux IRM, comment en pratique recycler les restes de produit de contraste avec du gadolinium?

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