L’ONF lance un marché en fournissant son propre bois

À Digne, dans les Alpes de Haute-Provence, l’Office national des Forêts construit son nouveau siège départemental avec une approche la plus durable possible. Et, comment pourrait-il en être autrement, le bâtiment sera… en bois. Mais en bois local. Pins noirs de la vallée du Jabron, sapin des gorges du Sasse et mélèze du Haut-Verdon proviennent tous des forêts domaniales gérées par l’ONF dans le département. Pas simple de lancer un marché de travaux lorsque l’on fournit soi-même le matériau, pourtant Benoît Loussier et Florence Vialaret ont su comment mettre en musique cette partition assez singulière.

Qui a dit que les cordonniers étaient les plus mal chaussés ? Certainement quelqu’un qui ne s’est jamais rendu dans les Alpes de Haute-Provence, parce que l’Office national des forêts y construit son futur siège départemental en fournissant son propre bois. « Nous avions la volonté d’utiliser du bois local, explique Benoît Loussier, directeur départemental de l’ONF, et dès la genèse du projet nous voulions privilégier les circuits courts avec les acteurs de la filière régionale ».

Responsable des achats pour les régions PACA et Occitanie, Florence Vialaret acquiesce : « S’il nous est possible d’imposer une qualité, nous ne pouvons pas sans risque en faire autant avec la localisation en privilégiant le bois provenant de notre seul département, regrette-t-elle, nous avons donc décidé d’allotir le marché afin de nous réserver la fourniture du bois ».

Valoriser la filière bois

Avec des forêts domaniales représentant près de 100 000 ha, ce n’était pas vraiment compliqué : « Nos forêts domaniales sont issues, en bonne partie, de reboisements réalisés au XIXe siècle et au début du XXe. Nos forêts présentent des espèces très diversifiées comme le pin noir d’Autriche, le chêne pubescent, le pin sylvestre, le hêtre, le mélèze ou le sapin, se félicite Benoît Loussier, de plus, en utilisant notre propre bois, nous avons réalisé de sérieuses économies alors que les prix sont orientés à la hausse ».

C’est aussi pour l’ONF l’occasion de valoriser sa vitrine et la filière bois, d’autant que la règlementation environnementale entrée en vigueur le 1er janvier 2022 se traduira mécaniquement par l’accroissement de l’utilisation de ce matériau dans les projets de construction.

Des prix parfois difficiles à établir

Florence Vialaret

Pour Benoit Loussier, dans cette période où l’approvisionnement en matériaux de construction est très tendu, notamment sur les bois sciés, le fait d’avoir recours au bois issu de nos forêts a permis de sécuriser l’approvisionnement, aussi bien en quantité et qualité, qu’en coût et en délai. Outre que dans ce marché de travaux il se soit réservé la fourniture du bois, l’ONF est passé en direct pour certaines prestations comme le sciage et le séchage : « Les juristes de l’office ont tout vérifié, explique Florence Vialaret, et plutôt que piocher dans le code des marchés publics des arguments comme la mise en avant du bilan carbone, le coût global ou les clauses environnementales, nous avons préféré l’allotissement avec cette réserve concernant la fourniture du bois ». Et de préciser que pratiquement tous les marchés de l’office sont audités : « Nous avons ici notre service juridique qui peut être épaulé en cas de besoin par celui du siège ».

Pas d’inquiétude particulière dans les Alpes de Haute-Provence, d’autant que le même type de montage avait été choisi dans les Vosges pour une autre construction en bois local. Reste que tout n’a pas été simple, les entreprises locales n’avaient pas coutume de dissocier la fourniture de bois du sciage et du séchage : « C’est pour cette raison que les prix ont été difficiles à établir, confie Benoît Loussier, les entreprises locales n’étant pas habituées à ne traiter que cette partie de la prestation ». La preuve, avec des carnets de commande déjà bien remplis, seules quatre entreprises connues localement ont répondu pour ce lot…

De la paille pour isoler

Sur les treize lots du marché, certains se sont révélés infructueux lors de la première consultation et il a fallu relancer : « Les montants qui nous étaient soumis étaient sans mesure avec la réalité du marché, déplore Benoît Loussier, notamment pour le carrelage et le lot ascenseurs ». Mais tous les lots importants ont été attribués, même les plus originaux, privilégiant le développement durable, comme l’isolation qui est réalisée en partie avec de la paille et en panneaux de fibres de bois.

Benoit Loussier

Pousser le plus loin possible la logique responsable, c’était un impératif : « Nous avons limité au strict minimum l’emploi de l’acier et du béton, explique le directeur départemental de l’office, impossible en effet de réaliser le socle autrement qu’en béton ». Le concours de maîtrise d’œuvre sur esquisses a rencontré un vif succès : « Trente-cinq dossiers de candidature ont été déposés, se félicite Benoît Loussier, les deux tiers d’entre eux provenant du quart sud-est de la France ». Au final, quatre dossiers ont été retenus, cette seconde étape ayant été anonymisée.

« Accompagnés de trois cabinets d’architectes qui participaient au jury, nous avons finalement porté notre choix sur un maître d’œuvre disposant de belles références, situé à Apt, dans le Vaucluse, ainsi qu’à Montpellier ». Il se trouve que c’est celui qui avait réalisé le bâtiment utilisé pour le bâtiment bois de l’office à Barême, non loin de Digne… Dans un peu moins d’un an, le nouveau siège départemental de l’ONF ouvrira ses portes sur 850 m2 de surface de plancher : « Le montant de ce projet s’élève à 3,1 M€, financé à 65 % par l’État à travers le plan de relance, conclue Benoît Loussier, le solde restant à la charge de l’ONF ».

Réagir à cet article

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *