Le « verdissement » des flottes hospitalières encore balbutiant

Pour le moment, quelques utilitaires électriques par-ci, par-là annoncent une première migration « verte » mais il paraît encore loin le jour où des camions « propres » sortiront des cuisines centrales, des blanchisseries et fourniront la base des grosses ambulances de SAMU.

© CHU Reims

« J’ai prévu de demander, à la prochaine réunion avec notre fournisseur de logiciel de gestion de parc, qu’il calcule les tonnes de CO2 que nous rejetons dans l’atmosphère à partir du nombre de kilomètres parcourus », explique Imad Fakhri, ingénieur en charge de la logistique au CHU d’Amiens. Les flottes des hôpitaux n’en sont qu’au début de leur transition énergétique, même si leurs gestionnaires y réfléchissent beaucoup.

Un petit tour d’horizon donne le degré du « verdissement » entamé. Au CHU d’Amiens, 95 véhicules et, pour le moment, uniquement des motorisations thermiques, essence et diesel. Au CHU de Nantes : sur 199 véhicules, 2 berlines hybrides. Au CHU de Toulouse, sur 115 véhicules, 5 petits utilitaires électriques. Au CHU de Reims, sur 119 véhicules, 4 utilitaires électriques de type Renault Kangoo, une dizaine d’autres en commande pour 2022 et 4 voiturettes Citroën AMI pour les trajets en ville. Chez les uns et les autres, s’ajoutent quelques vélos, trottinettes et brancards électriques.

La transition énergétique coûtera cher

« Nous savons que dans les années à venir nous devrons convertir l’ensemble de notre parc aux motorisations hybrides, électriques ou à l’hydrogène, explique Imad Fakhri. La question se posera très sérieusement fin 2022 date d’échéance de nos premiers contrats de location (de véhicules thermiques) signés en 2019. Mais elle se présente déjà chaque fois qu’un véhicule devient trop vieux. Nous avons aussi des 4×4, des SUV dans certains établissements ».

« Les poids lourds pour le moment, nous en avons une dizaine, sont exclus de cette réflexion, poursuit-il. Les moteurs Diesel Euro VII, c’est pour 2025. Nous surveillons l’évolution de la réglementation. Mais il nous en coûtera quoi qu’il en soit toujours plus cher qu’avec les énergies traditionnelles, c’est donc un choix à faire au niveau de l’établissement tout entier. Par exemple pour l’équiper en bornes de recharge, ce qui n’était pas prévu en 2014 quand il a été livré. »

© JMB

Comme Imad Fakhri, tous les gestionnaires de parc s’interrogent avec des obligations durcies de transformation flotte d’ici 2030. « La réflexion, c’est maintenant », explique Hervé Paillusson, responsable de la plateforme logistique du CHU de Nantes. Il embauche prochainement un cabinet spécialisé pour l’aider. « L’électrique, d’accord, mais pour les utilitaires et les camions, on ne sait pas ce que ça va donner ! Pas de problème côté autonomie. 200 km, un poids lourd, ça nous va très bien. Les nôtres ne roulent pas beaucoup. C’est plutôt la durée de vie des batteries qui nous inquiète. »

Les loueurs sollicités

Directeur de la logistique au CHU de Toulouse, Matthieu Fleureau peaufine un plan de renouvellement de flotte pour janvier. 130 Renault Kadjar, louées en 2019, arrivent en fin de contrat. « Dans le parc, en 2030, il y aura sans doute une partie électrique, une autre partie supprimée, que l’on ne renouvellera pas, une dernière transformée en vélos, en trottinettes », esquisse-t-il.

Romuald Klein, responsable du garage du CHU de Reims avec l’une des quatre voiturettes électriques récemment intégrées dans le parc de l’hôpital.

Pour Florin Ardéléan, directeur logistique du CHU de Reims « il n’y pas un jour où nous ne nous demandons pas dans quelle direction aller ». Mais il a déjà choisi. Une étude du constructeur DAF lui a confirmé qu’il devait opter pour l’électrique. « Problème, il n’y a rien au catalogue des centrales d’achat. Or, entre la commande et la réception, il se passe du temps, procédure de marché public et disponibilité des véhicules aidant », regrette-t-il. Pour le moment, les prix l’effraient. 300 000 € pour un 19 tonnes ! « Du coup nous mettons la pression sur nos loueurs pour qu’ils nous fassent des propositions. Mais elles ne viennent pas », indique-t-il.

Le parc auto reste une source d’économies

Partout, ces coûts interrogent. « Il s’agit d’enclencher les choses au plus vite pour étaler l’effort financier, explique Hervé Paillusson, à Nantes. Ces dernières années, nous investissions 100 000 € par an, cette année 200 000 € dont 130 000 rien que pour une ambulance du SAMU. C’est certain, des diesels achetés il y a 2 ou 3 ans, seront encore là en 2030. Heureusement, nous bénéficierons de budgets différents à partir du moment où les véhicules seront considérés comme ceux du nouveau CHU qui ouvrira en 2027. »

Pour Matthieu Fleureau, la question budgétaire se résume ainsi : « Le parc automobile reste avant tout une source d’économies. Aucun investissement dans de nouveaux achats de véhicules n’est prévu. La seule option, c’est la location. Mon enjeu personnel est tout simplement d’opérer la transition la plus ambitieuse possible à l’intérieur d’une organisation budgétaire viable ».

Zones à faibles émissions en vue

L’injonction au « verdissement » des parcs vient des généralement établissements eux-mêmes, attachés à leurs progrès sur le front de la RSE (responsabilité sociale et environnementale) en général. Elle émane aussi de l’évolution de la réglementation qui soumet les hôpitaux à des taux de renouvellement de leurs parcs en véhicules à faibles voire à très faibles émissions, d’ici 2030 (Lire notre article du 6 décembre 2021 ).

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A quoi s’ajoutent les organisations locales. Les villes de plus de 150 000 habitants sont tenues d’organiser des zones à faibles émissions (ZFE) dans leurs centres, d’ici fin 2025 au plus tard. Ce sont des zones à circulation régulée selon le degré de pollution des véhicules. « À Reims, elle est interdite dès le 1er janvier prochain pour les plus polluants, ceux à vignettes Crit’Air 5 », explique Florin Ardéléan. C’est-à-dire les poids lourds diesel de 15 ans et plus. En 2022, ce sera le tour des poids lourds au diesel de plus de 13 ans. « Cela nous oblige à bouger, même si nous devrions bénéficier de dérogations en tant qu’établissement public de santé », ajoute le directeur de la logistique du CHU champenois.

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