Le Shift Project estime l’impact carbone de la santé à 46,7 mégatonnes

Le Shift Project a mesuré les conséquences environnementales du système de santé en France, soit 8% de l’impact carbone national. L’ONG propose une feuille de route de la décarbonation via trente mesures d’ici 2050, avec, en tête de gondole, les achats de médicaments et de DM, principaux émetteurs de GES. Mais ces optimisations ne suffiront pas à atteindre l’objectif fixé par la Cop 22. Selon Shift Project, il faudra aussi passer d’une politique curative des pathologies à un « modèle préventif fort ».

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46,7 millions de tonnes équivalent CO2 en 2020. Voilà l’impact carbone du secteur de la santé en France, selon les estimations du Shift Project, ONG « réservoir d’idées » né en 2010, dont l’ambition est de contribuer à la décarbonation de l’économie afin d’atteindre les objectifs fixés par les Accords de Paris (baisse annuelle mondiale de 5 % des émissions de gaz à effet de serre).

85 % des GES proviennent des émissions indirectes

L’activité des hôpitaux, cliniques, EHPAD, laboratoires d’analyse, centres d’imageries, structures médico-sociales, officines de pharmacie… représenterait 8 % de l’empreinte nationale. Une évaluation minimale car l’ONG reconnaît ne pas avoir réussi à récupérer des données sur tous les postes d’émission.

Sur le total, plus de 85 % sont des émissions indirectes (scope 3, soit l’acquisition des produits et services, leur transport, leur utilisation et leur fin de vie, la gestion des déchets produits, les déplacements des salariés…). Au premier rang, les achats des médicaments (15,6 millions de tonnes équivalent CO2) et des dispositifs médicaux (10 millions de tonnes équivalent CO2) pèsent 54 % du total des émissions de GES. Une prédominance que corrobore par exemple le chiffrage mené par l’hôpital de Niort (lire notre article du 25 janvier 2021).

Médicaments et DM arrivent très loin devant les transports des usagers et les déplacements professionnels (7,2 millions de tonnes), les sources fixes de combustion (gaz et fuel, 4,5 millions de tonnes), les immobilisations (impact des travaux, 4,3 millions) la restauration (2,8 millions) ou la consommation d’électricité (1,5 million de tonnes).

L’impact majeur des achats de médicaments et de DM

Si rien n’est fait, en prenant simplement l’augmentation de la population en compte, cette empreinte devrait atteindre 51 millions de tonnes en 2050. Il est aujourd’hui essentiel de revenir à un processus plus vertueux, car le système de santé participe actuellement au dérèglement climatique, lequel déclenche à son tour une hausse de la demande de soins.

Pour réduire l’impact environnemental de la santé en France, Shift Project propose une trentaine de mesures. Concernant les médicaments et les DM, première source de pollution, il serait possible de réduire en trente ans le bilan carbone de 14,3 millions de tonnes. Comment ? Côté médicaments, il s’agirait de conditionner la délivrance ou le renouvellement de l’autorisation de mise sur le marché (AMM) à la publication de leur contenu carbone, de privilégier une politique d’achat éco-responsable et de rendre « obligatoire et déterminante l’empreinte carbone par produit dans les appels d’offres », de relocaliser partiellement certaines molécules essentielles en Europe, et de réduire la quantité de médicaments non utilisés (50 % selon Shift Project).

S’agissant des DM, dans la même logique, l’ONG préconise de conditionner la délivrance du marquage CE ou son renouvellement à la publication du contenu carbone du dispositif médical et une politique d’achat éco-responsable. Elle recommande d’encourager la réutilisation des DM lorsque cela est possible, et de réfléchir à la pertinence de l’usage unique dans toutes les spécialités par les professionnels en lien avec leur société savante. L’éventail des 30 mesures proposées déboucherait sur une diminution de 52 % (22,5 millions de tonnes équivalent CO2).

Changer de paradigme pour atteindre les objectifs de la Cop 22

Cependant, ces actions, à condition qu’elles soient réalisées, ne suffiront pas. Si le système de santé français veut apporter sa pierre au ralentissement de la hausse des températures sur Terre prévu par les Accords de Paris, il lui faudra encore faire mieux et atteindre 9,3 millions de tonnes en devenant plus sobre. Pour ce faire, selon Shift Project, pas d’autres voies que de changer de paradigme, en passant d’une approche curative à une approche préventive. Autrement dit, conduire une politique essayant de garantir la santé des populations en amont plutôt que de traiter les maladies.

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