Le recyclage des aides techniques encouragé par l’État

L’État juge important le potentiel de recyclage des aides techniques : fauteuils roulants, lits médicalisés, déambulateurs, etc. Il vient de signer un contrat à impact d’économie circulaire de près de 5 millions d’euros avec Envie Autonomie pour le développer.

L'atelier Envie Autonomie de Toul © DR

Des déambulateurs bancals, des fauteuils roulants qui grincent, des sièges de bains et des lits médicalisés vieillots, parfois des scooters électriques en panne, encombrent bien des magasins d’hôpitaux et d’EHPAD. Ils finissent en général par être jetés alors que d’importantes économies sont à portée de main s’ils étaient réparés, « remis en bon état d’usage », comme le préconise depuis 2020, la loi de financement de la Sécurité Sociale.

C’est le sens du contrat à impact « économie circulaire », que l’ADEME a signé pour quatre ans à Angers, en décembre dernier, au siège des entreprises d’insertion Envie Autonomie (lire notre article du 18 décembre 2019).

L’État rembourse les financeurs privés

© Envie Autonomie

Le principe de ces contrats est simple. L’activité, en l’occurrence le recyclage, est choisie pour son haut potentiel de gains collectifs pour peu qu’elle change d’échelle. Les moyens lui en sont apportés par des financeurs privés (BNP, Banque des territoires, groupe RELYENS, Esfin Gestion, AG2R la Mondiale) rétribués à terme par l’Etat, à hauteur du taux de réalisation des objectifs assignés au bénéficiaire de l’investissement de départ. Remboursés 100 % s’il les atteint totalement, avec prime s’il les dépasse, pénalisés par un malus s’il n’y parvient pas. Un cabinet indépendant (Citizing) mesure le degré de performance.

Les économies réalisées collectivement à terme doivent au moins égaler l’investissement initial. Le cabinet n’évalue pas seulement le gain financier lié par exemple aux économies faites par les établissements de santé qui s’équiperont en matériel d’occasion au lieu d’acheter du neuf. Il mesurera aussi l’impact social et environnemental.

Faire naître une filière

En quatre ans, Envie Autonomie s’engage à créer 204 emplois dont 95 en parcours d’insertion. Il promet d’éviter l’émission de 13 907 tonnes de CO2 (soit 119 millions de km parcourus par une Renault Clio) et l’extraction de 1628 tonnes de matières premières nécessaires à la fabrication de matériels neufs.  L’opération est liée à son intention de s’implanter d’ici 2026 dans 29 départements au lieu de 17 actuellement (Paris, le Finistère, la Charente-Maritime et le Val d’Oise en 2023. Puis l’Indre-et-Loire, le Morbihan, la Seine-Maritime, la Moselle, la Vienne, la Sarthe, la Haute-Garonne, le Puy-de-Dôme et les Bouches-du-Rhône).

Aseptisation d’un équipement © Envie Autonomie

L’investissement se monte, à 4,9 millions d’€. « Il ne va pas nous servir à investir à proprement parler. Il va financer l’exploitation de nos nouvelles structures. Chacune d’elle, 1500 m2 de surface et une douzaine d’emplois, nous coûte entre 300 000 et 400 000 € à l’installation. Il nous faut trois à quatre ans avant qu’elle atteigne l’équilibre, d’une part pour 85 % à 90 % par la vente de nos produits, le reste en subventions de l’Etat perçues en tant qu’entreprise d’insertion, détaille Philippe Robin, directeur général d’Envie Autonomie. Les 4,9 millions vont aider à couvrir le déficit dans l’intervalle. »

L’entreprise n’a cessé de croitre à la vitesse grand V depuis sa naissance dans le Maine-et-Loire en 2015. Une croissance liée sans cesse à l’ouverture de nouvelles agences. « Notre ambition n’est pas seulement de couvrir l’ensemble de la France mais de faire naître une filière complète de recyclage des aides techniques impliquant tous les acteurs, depuis les fabricants jusqu’aux distributeurs », explique Philippe Robin.

L’approvisionnement en matériel usagé, combat permanent

© Envie Autonomie

L’entreprise, une centaine de salariés, dont la moitié en insertion, a collecté environ 30 000 matériels usagés l’an dernier. Et continue de solliciter les dons. « Nous récupérons des équipements auprès des structures en relation avec des personnes âgées, malades, handicapées ou auprès d’établissements médico-sociaux, au service de personnes qui n’ont pas les moyens d’acheter ce dont elles ont besoin. Quand un fauteuil roulant électrique coûte entre 10 000 à 15 000 € et qu’on ne peut au mieux obtenir que 3800 € d’aide pour s’en procurer un neuf…. », poursuit le directeur général.

« Nous, nous revendons du matériel de grande qualité avec une réduction d’au moins 50 % par rapport au neuf. Mais faut-il encore en trouver à recycler ! Cela reste un combat permanent. Nous ne sommes pas encore très connus, en particulier des EHPAD. Il nous faut trois équipements usagés pour en reconditionner un. » D’autant que tous les fabricants n’acceptent pas encore de vendre des pièces détachées.

Formation d’une main d’œuvre qualifiée

Philippe Robin

Philippe Robin envisage, malgré tout, un envol de la demande d’aides techniques recyclées dans les mois qui viennent. Il voit deux raisons à cela.  D’abord la généralisation de clauses de recyclages dans la passation de marchés. « Nous avons répondu à des appels d’offres de centres de rééducation, de CCAS. Nous avons signé des marchés à bons de commande. Nous n’avons pas les volumes pour équiper d’un coup tout un établissement, pour vendre des milliers de produits d’un coup. Nous resterons complémentaires du neuf », indique-t-il.

Par ailleurs, la rédaction d’une norme de qualité sur les aides techniques recyclées avance. Tous les acteurs de la filière y participent, des fabricants aux distributeurs en passant par les instances de la santé. Elle doit se terminer en mars pour une publication d’ici la fin de l’année, après enquête publique. Le décret d’application de l’article de loi sur le sujet, ouvrant à des remboursements par la sécurité sociale devrait suivre.

Avec cette plus grande institutionnalisation du recyclage, Envie Autonomie étendra-t-elle son offre à d’autres dispositifs médicaux ? « Nous sommes sollicités pour les prothèses auditives et les lunettes mais ce sont d’autres métiers. Non, nous en resterons aux aides à la mobilité, aux soins et à la toilette ! En plus du matériel, nous fournissons progressivement à tout un secteur, en tant qu’entreprise d’insertion, une main d’œuvre qualifiée qui est embauchée dans des équipes de maintenance dans des établissements de santé. Cela nous suffit. »

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