La vision plus durable d’un acte d’ophtalmologie

Interne en ophtalmologie au CHU de Lille, Gabin Momal a choisi, comme sujet de thèse, d’étudier les impacts environnementaux des injections intravitréennes (IVT) et de déterminer des solutions d’éco-conception. Les résultats de ses investigations sont à la fois édifiants et prometteurs, entre autres grâce au potentiel de déchets qu’il est possible de réduire.

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En 2019, on a comptabilisé 1,3 million d’injections intravitréennes en France. En croissance constante, ces interventions, qui consistent à l’injection d’un produit directement dans l’œil, sont pratiquées dans le but de traiter les complications dont sont parfois victimes les patients diabétiques ou atteints de dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA). Interne en ophtalmologie au CHU de Lille, Gabin Momal a été frappé par le nombre de déchets et de sacs poubelle produits au sein des bloc opératoires.

« J’ai essayé d’en savoir plus et j’ai cherché des articles qui avaient déjà quantifié le phénomène. J’ai trouvé quelques articles scientifiques, notamment sur l’impact environnemental des interventions de chirurgie de la cataracte. » Le peu de littérature lui donne l’idée de consacrer sa thèse aux impacts environnementaux d’un acte de soin.

263 IVT à la loupe

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Avec l’aide de l’agence Primum non nocere, il mène l’enquête sur 263 IVT menées au CHU de Lille et à l’Institut ophtalmologique de Somain afin de prendre en compte les pratiques publiques et privées. Et examine à la loupe les conséquences de chaque étape, de l’enregistrement du patient à l’évacuation des déchets du bloc en passant par l’habillage de l’équipe soignante et du patient, la préparation de la table d’injection, les différents protocoles (la détersion cutanée de l’œil et de la paupière, le rinçage de l’œil, l’instillation d’un antibiotique), sans oublier l’édition du compte-rendu de l’opération.

Des investigations qui débouchent, pour la première fois, sur des données objectives. Lesquelles donnent à réfléchir. En comptabilisant l’énergie utilisée, les consommables, les médicaments, le transport des patients, Gabin Momal estime ainsi qu’une IVT revient à 170 kg équivalent CO2. En extrapolant uniquement sur les consommables et l’énergie utilisée, par an ce sont 2450 tonnes équivalent CO2 qui sont émises pour l’ensemble du pays.

Il a par exemple remarqué que le transport cumulé des consommables utilisés au sein du pack IVT sur mesure représentait un total de 225 150 km ! La recherche a permis aussi d’évaluer la répartition de l’impact environnemental : le pack IVT sur mesure intervient pour 24 %, devant l’habillement du patient (23 %), le pack de détersion (18 %) et le conditionnement des molécules (8 %).

550 tonnes de déchets en France

L’interne s’est aussi penché sur la quantité de déchets. Chaque acte en génère en moyenne 432 grammes : champ de table, champ de tête, éléments des kits d’opération, équipements individuels de protection… « S’il on extrapole à l’échelle nationale, on arrive à un total de 550 tonnes de déchets chaque année », chiffre Gabin Momal.

Gabin Momal

Mais sa thèse (210 pages), qu’il a soutenue en octobre, ne se contente pas de jauger les conséquences néfastes pour la planète. Elle dégage des pistes pour aller vers une éco-conception de l’intervention. Notamment en substituant l’usage unique par du matériel lavable et stérilisable. « L’objectif, c’est de déclencher une prise de conscience et de réfléchir aux protocoles. Il ne s’agit pas de remettre en cause le risque infectieux sous prétexte de développement durable. Mais pour un acte tel que l’IVT, seule l’aiguille entre dans l’œil. Les autres instruments ne servent qu’à préparer l’intervention. »

 

 

L’éco-conception, la promesse d’une baisse de 45 % de l’impact environnemental

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Autre moyen : rationaliser les achats des kits prêts à l’emploi pour l’intervention. Car une partie des instruments proposés par le pack ne sert à rien. « Nous les payons mais nous ne les utilisons pas ». Des objets à usage unique qui représentent 16 % du poids des kit et 28 % des émissions de gaz à effet de serre. L’interne pointe un autre exemple, celui des 32 étiquettes imprimées par patient alors qu’une seule suffit. « Le développement durable est une histoire de bon sens », insiste-t-il.

Au final, son travail met en avant qu’une démarche éco-conçue pourrait déboucher sur une baisse de 45 % de l’impact environnemental, en termes de gaz à effet de serres. Soit 1200 tonnes équivalent CO2 de moins par an en France. L’étude de Gabin Momal tord aussi le cou à une approche durable forcément plus dépensière.

L’interne a calculé que le CHU de Lille pourrait économiser plusieurs dizaines de milliers d’euros en rationalisant les achats (suppression d’un pack détersion, changement de solution de rinçage de l’œil) et en passant d’instruments jetables à des instruments réutilisables qui tourneraient en circuit court avec l’unité de stérilisation du CHU.

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