achat-logistique.info : Comment êtes-vous organisés pour déployer une stratégie environnementale au plus près du terrain ?
Katarina Ask : « En Suède, les hôpitaux sont gérés par les régions. La région de Stockholm a fixé des objectifs écologiques très ambitieux à ses établissements. Au CHU Karolinska, leur atteinte et leur suivi repose sur une équipe de 9 professionnels rattachés à la direction de l’environnement (qui inclut la notion d’environnement de travail pour les professionnels).
Les membres de notre équipe sont responsables à la fois de thématiques transversales (achats, alimentation, déchets, produits chimique, respect de la réglementation) et sont référents de pôles d’activité comme le pôle cancer.
Notre équipe s’appuie sur un réseau d’environ 550 ambassadeurs de l’environnement chargés de relayer les messages et de proposer des actions au niveau des unités de travail. Une grande responsabilité est placée sur les professionnels. Ces derniers doivent obligatoirement suivre un module d’introduction au développement durable à leur arrivée, et connaître les objectifs et les activités environnementales spécifiques à leur lieu de travail comme les modalités d’élimination des déchets.
Si le professionnel manipule des produits chimiques, il doit connaitre les lignes directrices concernant la prévention des risques pour l’environnement et la santé humaine. Un système de signalement a été mis en place pour que le personnel puisse faire remonter les irrégularités en lien avec l’environnement ou des suggestions d’amélioration. »
achat-logistique.info : Comment avez-vous établi vos objectifs de développement durable ?
© Jens Dahlsköld
Katarina Ask : « La stratégie environnementale du CHU Karolinska est volontairement pragmatique et centrée sur nos activités : réduire et prévenir l’impact environnemental de l’utilisation de produits pharmaceutiques, chimiques et de consommables ; utiliser des produits sans danger pour l’environnement naturel et la santé humaine ; économiser de l’énergie et utiliser des options de transport efficaces ; minimiser les déchets et les réutiliser autant que possible ; acheter des biens et des services qui ont un faible impact sur l’environnement et contribuent au développement durable ; donner aux professionnels la possibilité d’influencer le travail de protection de l’environnement ; considérer les lois, règlements et autres exigences comme des normes minimales dans la transition écologique.
Ces axes stratégiques sont classés en cinq domaines d’intervention et assortis de 18 objectifs cibles. Les objectifs ont été choisis pour leur dimension pratique et atteignables. Ainsi, l’engagement de tous dans la transition écologique passe par le développement des soins numériques et des réunions dématérialisées. Un focus est mis sur le cœur des activités hospitalières, avec l’étude des prescriptions médicamenteuses pour réduire le recours aux molécules ayant un impact néfaste sur l’environnement (et l’antibiorésistance).
Sur les 25 molécules présentant un danger pour l’environnement, les équipes médicales en ont identifié cinq dont la prescription pourrait être réduite. Le choix des substances anesthésiques a également été revu pour limiter les rejets polluants et une unité permettant de détruire les gaz hilarants (protoxyde d’azote) a été installée à proximité de la maternité. Un travail a été mené sur les vêtements de travail pour limiter les stocks avec un système de puçage permettant d’affecter un nombre de vêtements fixe à chaque professionnel et d’en garantir le turn-over. »
achat-logistique.info : Comment favorisez-vous les achats durables ?
Katarina Ask : « Nous travaillons en ce moment à une refonte du processus des achats-approvisionnements avec l’ambition d’exiger le respect de critères environnementaux dans tous les marchés d’ici 2023. Les futurs cahiers des charges comprendront des clauses relatives aux produits eux-mêmes mais aussi aux fournisseurs, qui devront respecter des normes en lien avec la responsabilité sociale des entreprises comme le respect des droits fondamentaux de leurs travailleurs (et sous-traitants) et leur sécurité. Les cahiers des charges seront adaptés à la taille des entreprises, pour ne pas défavoriser les fournisseurs locaux de taille plus réduite.
Plusieurs groupes de travail nationaux ont été créés pour travailler sur des portions de marché hospitalier, chacun étant chargé d’identifier la manière de rendre les approvisionnements plus durables. La région de Stockholm travaille sur les matériels informatiques, une autre sur les gants en plastique… L’objectif est de réfléchir aux usages mais aussi aux filières d’approvisionnement, dont la fragilité et l’opacité ont été révélés dramatiquement pendant la pandémie. Pour nous, le développement durable implique de réfléchir à l’avenir de l’hôpital à long terme, en créant des pratiques stables et fiables. Cela nécessite de profondément revoir comment nous achetons et de mettre en avant d’autres critères que le coût, comme la provenance, la qualité, l’ergonomie… »
