La longue marche de l’achat responsable

Dévoilés le 4 février, les résultats du 11e baromètre de Obsar montrent que la démarche responsable, pourtant très en vogue, n’est pas toujours simple à appliquer dans le domaine de l’achat. Si certains sujets, comme la relation fournisseur, ont progressé, d’autres, à l’image de la prise en compte du coût global, demeurent compliqués à actionner.

© Epictura / malpetr
« La situation évolue mais il y a encore du chemin. Il ne faut surtout pas se relâcher », a commenté Pierre Pelouzet, président de l’Observatoire des achats responsables (Obsar), lors de l’annonce des résultats du baromètre (le 11e du nom) de cette association née en 2010.
Près de 150 responsables achats ont participé à cette enquête, réalisée avec l’aide de l’institut Opinion Way et administrée sous la forme d’un questionnaire en ligne entre octobre et décembre dernier. Les réponses émanent majoritairement du secteur privé, notamment industriel, même si une quarantaine d’organismes publics, parmi lesquels très peu d’établissements de santé, ont apporté leur écot.
Lors de la présentation, l’Obsar a insisté sur l’importance des primo-répondants à l’enquête. Pierre Pelouzet s’est félicité de cette « nouvelle vague ». Cependant, la faible maturité de ces « nouveaux adaptes » a sans aucun doute impacté les résultats, parfois en demi-teinte.

La pression réglementaire

A en croire le sondage, la démarche responsable est désormais entrée dans les moeurs chez les acheteurs. Dans son immense majorité (86 %), le panel a mis en place une politique d’achat ad hoc. Pour 49 % des personnes interrogées, elle figure même au rang de priorité. Le mouvement reste cependant assez récent. 40 % l’ont démarré il y a moins de cinq ans. 11 % depuis moins d’un an.

La pression législative y est sans doute pour beaucoup et les acheteurs interrogés le reconnaissent volontiers. La conformité réglementaire demeure très importante pour 69 % d’entre eux, devant l’impact environnemental (57 %).

Certaines pratiques sont maintenant bien installées comme l’intégration de critères dans les cahiers des charges (91 %), la validation de la politique d’achat responsable par la direction (84 %). Très nombreux (85 %) sont ceux qui ont établi une cartographie ou une analyse des risques RSE, aujourd’hui protéiformes (guerres, tensions sociales, pandémies…) qui fragilisent le circuit des approvisionnements. Les scandales potentiels et le « name and shame » expliquent certainement pourquoi, dans le domaine de l’achat socialement responsable, les entreprises privées privilégient le respect des droits humains au travail, tandis que le secteur public met l’accent sur la réinsertion des personnes éloignées de l’emploi.

Du progrès pour la relation fournisseur

Pierre Pelouzet

La relation fournisseur est en net progrès. « On a dépassé le stade de la sensibilisation. Les acteurs se rendent compte qu’il y a intérêt à avoir des relations équilibrées et intelligentes avec leurs fournisseurs », s’est félicité Pierre Pelouzet. 85 % des acheteurs sondés ont déclaré que leurs pratiques achat prennent en compte les fournisseurs installés sur leur territoire, 86 % de la taille des entreprises (- de 250 salariés), 65 % des PME innovantes et 42 % des start up. Pour 64 % du panel, la part des PME dépasse les 10 % du budget achat (74 % dans le public).

Deux bémols ont pourtant chagriné le président de l’Obsar. Seul 54 % de l’échantillon juge « très important » la question des délais de paiement. Côté fournisseurs, faire de l’achat responsable, c’est d’abord payer sans retard, a expliqué en substance Pierre Pelouzet. Le résultat est encore plus faible s’agissant de l’accès des PME aux marchés (34 %), avec une disparité entre privé et public, plus sensible à la thématique.  « Il y a encore des difficultés à inscrire ces sujets comme des priorités, a reconnu Pierre Pelouzet, même si cela ne veut pas dire que des actions ne sont pas engagées. » Pour preuve, 60 % des acheteurs questionnés ont assuré avoir mis en place des actions pour accélérer les règlements des factures.

La prise en compte du coût global reste compliquée

Le baromètre a mis en lumière un paradoxe. Alors que 77 % des acheteurs du panel (92 % pour la sphère publique) affirment rechercher le mieux disant, la prise en compte du coût global ou du cycle de vie est loin d’être aujourd’hui automatique. Facile à calculer, le coût d’acquisition est la démarche la plus usitée (84 %). Bien qu’en progrès, le coût d’usage n’est intégré que par la moitié des sondés. La valeur créée au profit de la structure (38 %) a même perdu 10 points par rapport au précédent baromètre. Phénomène identique s’agissant de l’impact de la fin de vie d’un produit. En 2019, le sujet était englobé systématiquement par 19 % de l’échantillon. En 2020, le score passe à 15 %.

Selon Pierre Pelouzet, il est difficile de voir l’impact immédiat du calcul du cycle de vie, compliqué à mettre en place, ou de l’économie circulaire, même s’il est certain. « On a tendance à commencer par le plus simple et le plus intéressant ». A l’exemple de la réduction des consommations d’énergie, positives pour la planète et l’entreprise ou la structure publique, n°1 des objectifs poursuivis pour tous les acheteurs sondés.
Il n’est d’ailleurs pas surprenant que les « injonctions contradictoires » (51 %) et les contraintes budgétaires (42 %) figurent en tête du hit-parade des freins au développement d’une politique d’achat durable. Compliqué, en effet, pour un directeur des achats de concilier simultanément une exigence d’économies à très court terme et une réflexion sur le coût global…
Réagir à cet article

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *