Née en 2015 à l’initiative d’universités britanniques, l’association Electronics Watch s’est donnée pour mission de faire la lumière sur les conditions dans lesquelles sont fabriqués, à travers le monde, serveurs, ordinateurs, imprimantes ou encore téléphones portables. En raison d’une cascade de sous-traitants installés à l’autre bout de la planète, il est souvent bien difficile de connaître par exemple l’origine des composants. Ou de savoir comment travaillent les ouvriers de ces entreprises.
C’est pourquoi Electronics Watch a monté un réseau de personnes indépendantes chargées de mener l’enquête sur place, notamment en Chine, en Inde, au Viêt-Nam, en Indonésie ou en Malaisie. Leurs investigations dépassent les audits classiques puisque les salariés sont interrogés sur ce qui se passe véritablement dans les usines : précarité, recours à des produits toxiques, absence de couverture sociale…
Inciter les fournisseurs à rectifier le tir
Ces informations de terrain sont ensuite transmises par l’ONG aux acheteurs publics. L’objectif n’est pas jeter l’anathème sur la place publique, mais de pousser les industriels à trouver des solutions. Interpellée par Electronics Watch, la firme Samsung a ainsi arrêté d’utiliser du toluène, solvant nocif, et a équipé ses salariés de masques de protection.
Plus de 300 pouvoirs adjudicateurs répartis dans sept pays (Allemagne, Espagne, Etats-Unis, Pays-Bas, Royaume-Uni, Suède, Suisse) ont été convaincus par l’utilité de ce système mutualisé. Car la plupart des acheteurs publics n’ont ni les moyens, ni le temps de mener ce type de contrôle. La centrale suisse PAIR (Partenariat des achats informatiques romands, 35 membres) a rejoint les rangs d’Electronics Watch.
Vérifier les sites de production
Ses adhérents avaient déjà intégré certaines exigences sociales et environnementales dans leurs cahiers des charges. « On demandait aux candidats des informations sur l’origine des matières premières, la nature des produits chimiques utilisés, les dispositifs de protection des ouvriers », confirme Pierre Petroff du service des achats des hôpitaux universitaires de Genève (HUG) affiliés à PAIR. Pour autant, ces données restent déclaratives. « Informée des contenus des contrats, Electronics Watch sera le bras armé de PAIR afin de vérifier les sites de production souvent implantés en Asie. L’idée est d’inciter les fournisseurs à s’améliorer », poursuit l’acheteur des HUG.
L’association fournit également aux acheteurs une boîte à outils avec des guides et des études de cas, à l’image du travail mené par une collectivité suédoise avec son titulaire Atea et son sous-traitant Dell dans le but de respecter les droits des ouvriers chinois.
Un investissement rentable
N’importe quel acheteur public peut adhérer à Electronics Watch. Le montant de la cotisation dépend du volume d’achat de matériel électronique : 1 % pour les organismes dépensant jusqu’à 5 millions d’euros (avec une contribution minimale de 3000 euros), 0,1 % pour la tranche supérieure à 5 millions d’euros (plafonné à 60 000 euros). PAIR verse par exemple 13 000 euros pour l’ensemble de ses adhérents.
« L’investissement est rentable : personne n’a les moyens de contrôler sur place les usines. La valeur ajoutée, c’est d’engager les fournisseurs à faire des progrès et cela en vaut suffisamment la peine. Il ne s’agit pas d’acheter une bonne conscience. Les acheteurs publics peuvent faire quelque chose pour que le monde progresse », assure Jean-Michel Rufi, ambassadeur de l’ONG en Suisse romande. L’association envisage d’étendre son activité aux dispositifs médicaux composés de plus en plus d’éléments électroniques.
Contact de la représentante Electronics Watch en France :
Brigitte Demeure, bdemeure@electronicswatch.org