Au pied des Alpes suisses, un hôpital bas carbone high-tech

Dix années de négociations entre les deux cantons financeurs, cinq années d’études et quatre ans de travaux auront été nécessaires pour que l’hôpital Riviera-Chalais ouvre enfin ses portes à Rennaz, en Suisse, à la lisière des cantons de Vaud et du Valais. Au bout du lac Léman, cet établissement bas carbone, labellisé Minergie, produira jusqu’à 100% de ses besoins en électricité.

© M. Denancé

Nous n’en sommes pas encore aux hôpitaux à énergie positive qui produisent plus d’énergie qu’ils n’en consomment, mais nous n’en sommes pas loin, même si l’exercice est plus facile à réaliser pour des bâtiments d’habitation que pour des établissements hospitaliers. Mais jouer avec les contraintes, c’est un exercice qu’adore Yves Tailfer, architecte directeur de projets chez Groupe-6 : « Pour nous, transcender les contraintes, c’est le Graal ».

Ce cabinet d’architecte qui a, avec GD Architectes de Neuchâtel, signé l’hôpital Riviera Chablais n’en est pas à son coup d’essai. L’agence française a déjà à son actif de belles réalisations comme l’extension du CHU de Reims. En Suisse, le cabinet GD Architectes avait, quant à lui, déjà conçu l’hôpital Pourtalès de Neuchâtel. Les architectes grenoblois et leurs homologues suisses se connaissent bien et collaborent depuis plus de dix ans. Ils ont concouru ensemble à plusieurs projets hospitaliers : concours de l’Universitätsspital de Bâle en 2012, de l’hôpital des enfants au CHUV de Lausanne en 2014, celui d’Aarau en 2018, et tout récemment à celui de l’Hôpital des Enfants des HUG de Genève.

Un établissement Minergie

© T. Jantscher

Regroupant cinq sites de soins vaudois et valaisans, l’hôpital Riviera-Chalais affiche 67 000 m2 de surface utile brute de planchers répartie sur trois niveaux principaux, dont deux « techniques », comme les qualifie Yves Tailfer, le troisième étant réservé aux chambres des patients, coiffé par l’étage dédié aux locaux de ventilation. Il aura fallu pas moins de quatre semaines pour déménager patients et collaborateurs dans cet hôpital labellisé Minergie, qui promeut l’efficacité énergétique sans aucune perte de confort : « Dans le canton de Vaud, ce label est obligatoire pour tous les bâtiments publics neufs, explique Yves Tailfer, mais dans les hôpitaux cela fait longtemps que nous prenons en compte des concepts comme la gestion des flux d’air qui doivent être dissociés afin que les différentes pathologies ne communiquent pas entre elles ».

© T. Jantscher

En plus du travail sur la performance de l’enveloppe, le mode de calcul retenu pour obtenir le label Minergie se fait sur le débit thermique d’air actif : « Il s’agit du débit d’air nécessaire au renouvellement de celui du bâtiment qu’il faut réellement réchauffer pour maintenir la température intérieure de confort, détaille l’architecte. On estime ce débit en fonction de plusieurs paramètres comme la hauteur sous plafond ». Cette méthode permet d’adapter l’équipement de chauffage du bâtiment au plus juste par rapport au réel besoin.

Systèmes de récupération de chaleur

Or, par sa composition et sa structure, l’hôpital Riviera-Chablais offre des hauteurs de plafond conséquentes et des surfaces de circulation généreuses. « Les largeurs de circulation sont volontairement très confortables, de 2,40 m à 3,75 m, ainsi que les hauteurs sous dalles, ce qui permet en outre d’anticiper les évolutions futures, notamment des transports logistiques et des lits médicalisés, le redéploiement d’installations techniques ».

Yves Tailfer © R. Chaignet

« La physique du bâtiment, les aspects techniques et les performances de l’enveloppe, ont été particulièrement soignés ainsi que la gestion technique centralisée que les Suisses appellent la MCR (Mesure, Commande et Régulation), précise Yves Tailfer, nous avons eu la chance de travailler avec un très bon bureau d’études ». L’hôpital est raccordé sur le réseau de chauffage à distance, alimenté par une centrale haute température bois et biogaz située à moins d’un kilomètre à vol d’oiseau du centre hospitalier, le réseau de chaleur étant mutualisé avec les communes de Rennaz, Villeneuve, Novile et Roche : « Assurer le transport de la chaleur sur une telle longueur sans ponts thermiques n’est pas une mince affaire, mais l’installation est très performante ».

L’approvisionnement des 25 000 m3 de plaquettes en bois de la centrale est bien évidemment local. L’eau chaude sanitaire est stockée dans quatre accumulateurs alimentés par une cascade de récupération de chaleur assurant le préchauffage de l’eau. « Les systèmes retenus pour cet établissement permettent d’économiser 80 % de l’énergie avec notamment des centrales de traitement d’air double flux et toute une série de systèmes de récupération de chaleur ».

Jusqu’à 100 % des besoins en électricité couverts par le solaire

© T. Jantscher

La fabrication de froid est assurée par des compresseurs en privilégiant le « free cooling » dès que les températures extérieures le permettent. « Alors que ce n’était pas obligatoire, nous avons également fait installer 3 300 capteurs photovoltaïques en toiture qui couvrent l’intégralité du toit à l’exception de l’hélistation, ce qui fait qu’en demi-saison, à mi-journée, nous arrivons à couvrir jusqu’à 100 % des besoins en électricité ».

Une cerise sur le gâteau, totalement géniale, est dissimulée à l’intérieur des triples vitrages dont est entouré le centre hospitalier sur ses deux premiers niveaux. Il s’agit, entre deux des trois verres des triples vitrages, d’un système d’occultation développé par une entreprise italienne : « Ces fines jalousies motorisées baissées en permanence sont gérées automatiquement par la GTC qui les oriente en fonction de l’ensoleillement, détaille Yves Tailfer, positionnées à l’intérieur des éléments verriers des baies vitrées, elles ne se salissent pas et sont insensibles aux conditions météo extérieures, comme le vent par exemple ». Un système garanti dix ans, développé à l’origine pour les navires de croisière !

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