Peu d’entreprises du STPA peuvent répondre aux gros volumes des consultations de l’opérateur ferroviaire. La SNCF privilégie donc l’approche par lots, marchés réservés et achats directs pour les achats dits « locaux ». « Le secteur solidaire comprend aussi l’insertion professionnelle. Cette année, notre ambition est de parvenir à un million d’heures contractualisées grâce aux clauses sociales », poursuit-elle.
Dépasser les secteurs traditionnels
Tous les segments comportant une part de main d’œuvre importante sont concernés : naturellement les secteurs historiques du STPA comme la blanchisserie ou l’entretien des espaces verts, mais pas seulement. « Nous voulons aller plus loin comme la production industrielle, la logistique, l’impression, l’évènementiel… Nous avons par exemple entamé une réflexion avec des entreprises pour travailler sur la fabrication de tourets pour les câbles », illustre Frédérique Tabary.
Car les entreprises protégées et adaptées sont loin des images d’Epinal que l’on se fait du STPA. Prestataire de la SNCF mais aussi de Spie, Alstom, ou du groupe PSA, l’entreprise adaptée Bretagne Ateliers (45 ans d’existence, 660 salariés dont 440 travailleurs handicapés, CA de 21 millions d’euros en 2019), certifiée Iso 9001 et En 9100 et labellisée « vitrine industrie du futur », dispose d’un savoir-faire d’intégrateur ensemblier, expert du montage industriel, du câblage, de l’usinage, de la métallerie…
De la maintenance des caténaires à la gestion des cartes familles nombreuses
« Historiquement, la structure a d’abord travaillé sur l’assemblage de pièces pour le secteur automobile, avant de se diversifier dans l’aéronautique et le ferroviaire, puis dans le tertiaire avec la numérisation de documents et l’extraction de données », résume son directeur général Daniel Lafranche. La SNCF a retenu l’entreprise adaptée à plusieurs reprises, pour assurer le remplacement des pièces d’usures de caténaires, la maintenance des amortisseurs de TGV ou la vérification des vannes d’isolement des voitures.
Autre exemple emblématique, celui de Gestform (425 salariés), spécialiste de l’archivage, de la numérisation et des traitements de flux électroniques, sélectionné par la SNCF pour gérer les demandes de cartes de famille nombreuse. Une prestation externalisée de A à Z puisque l’entreprise adaptée reçoit et contrôle les dossiers, en appliquant les règles de la SNCF et des pouvoirs publics, demande les pièces justificatives manquantes le cas échéant, avant de fabriquer le sésame et de l’adresser au bénéficiaire. « C’est l’un de nos points forts, bénéfique à la fois pour le client et pour l’entreprise puisque cette diversité des tâches nous permet de faire travailler des salariés aux profils très différents », expose Marie-Hélène Lanoé, directrice commerciale et marketing de Gestform.
Lutter contre les clichés
Ce marché réservé, qui représente un des cinq plus gros contrats de Gestform, a été l’occasion de démontrer la capacité de transformation de l’entreprise adaptée. « Le découpage manuel des photos des bénéficiaires, qui comportait un risque important de TMS, a été remplacé par un système de numérisation et de recadrage électronique des images avec impression directe sur la carte. Le processus a été modernisé en quelques mois », illustre-t-elle.
Toutefois, les clichés persistent dans bien des têtes. « Les idées erronées existent toujours, comme cette vision de la personne handicapée forcément assise dans un fauteuil roulant, ou l’image de l’entreprise adaptée, petite structure sans expertise, reconnaît Frédérique Tabary, pour casser les mythes, nous organisons des rencontres avec des EA très qualitatives, innovantes, labelisées, capables d’évoluer très vite ». Aux acheteurs publics, elle conseille d’abord « d’ouvrir leurs chakras » : « tout est possible avec le STPA et il ne faut rien s’interdire. » Elle leur recommande enfin de « ne pas vouloir industrialiser à tout prix un processus d’achat qui mérite d’être traité différemment ».