Achat responsable : France urbaine fait 8 propositions pour amender les directives

Encourager l’analyse en cycle de vie, autoriser la prise en compte des externalités économiques et sociales lors d’un achat, prévoir une exception pour les achats alimentaires et agricoles, permettre la négociation au-dessus des seuils… L’association France urbaine, qui regroupe métropoles et grandes villes, fait 8 propositions dans la perspective d’une réforme des directives marchés. En espérant que la présidence française de l’Union relaiera ses idées.

© Epictura

« J’ai l’intime conviction que la commande publique est un outil essentiel de l’action publique et un levier majeur de transition écologique, solidaire et économique », a déclaré Olivia Grégoire, secrétaire d’Etat chargée de l’Économie sociale, solidaire et responsable, lors d’une conférence tenue le 28 février, à l’initiative de France urbaine, association fédérant métropoles et grandes villes du pays.

Elle n’est pas la seule au gouvernement. La présidence française de l’Union européenne (PFUE) est bien décidée à mettre le sujet sur la table. Avec l’idée de modifier les directives marchés de 2014 pour leur donner une teinte beaucoup plus responsable. « Est-ce que le droit européen conçu à une époque où les questions climatiques ou de souveraineté n’étaient pas au cœur des réflexions pourrait être amendé pour maximiser les effets transformationnels de la commande publique ? » s’est interrogé Christophe Amoretti-Hannequin, directeur finance responsable et achats de France urbaine.

Prendre en compte les « multiplicateurs économiques »

L’association de collectivités part du principe que oui. Elle fait 8 propositions présentées par Emeline Baume, 1ère vice-présidente de la Métropole de Lyon. D’abord établir une taxe carbone aux produits importés dans l’Union. Ensuite encourager l’analyse en cycle de vie (ACV) et concevoir des outils européens afin de faciliter son usage par les acheteurs. Troisième point : systématiser les clauses environnementales et sociales dans les marchés publics européens, sur le même modèle que l’article 35 la loi Climat. Aujourd’hui, elles ne sont pas obligatoires dans la réglementation communautaire. Résultat : la base légale diffère d’un Etat à un autre.

La prise en compte des externalités économiques et sociales de l’achat, ou « multiplicateurs économiques » fait également partie des propositions. « Il faut vraiment que nos acheteurs puissent penser en coût complet », a insisté l’élue locale, en intégrant la question du maintien et de la création d’emplois, celle de la recette fiscale sur le territoire, ou encore celle de l’impact sur les dépenses sociales.

Déverrouiller le seuil pour la négociation

Autre préconisation : autoriser la valorisation des éléments de la politique sociale générale des candidats dans le cadre des procédures, en la libérant des contraintes de lien avec l’objet du marché. Sixième idée – projetée sur le devant de la scène depuis la pandémie – : renforcer l’achat souverain à l’échelle européenne sur certains sujets stratégiques. France urbaine est par exemple partisan de la rédaction d’un « Buy European Act » et de la clarification des conditions d’application de l’article 2112-4 du CCP.

Huitième proposition : prévoir une exception agricole et alimentaire pour les achats publics, en autorisant des critères de proximité dans les consultations. « Dans le Pacte vert de l’Union européenne, il y a bien une ambition d’assurer la sécurité alimentaire face au changement climatique et à la perte de biodiversité », a observé Emeline Baume. Dernier point et non des moindres : autoriser le recours à la négociation quel que soit le montant du marché, « chaque fois que l’acheteur le juge nécessaire, comme cela est possible pour l’ensemble des entités adjudicatrices ».

Un Buy European Act ne fait pas l’unanimité

Quelles sont les chances de voir ces propositions aboutir ? L’association compte naturellement sur la présidence française de l’UE pour relayer tout ou partie de ses idées. La mise à jour de la réglementation de la commande publique fait partie des priorités de la PFUE, a confirmé Nadège Havet, sénatrice du Finistère, qui a été l’une des rédactrices d’un rapport sur la commande publique durable (Lire notre article du 26 octobre 2021 ). Ce qui ne veut pas dire que les 8 propositions auront une chance d’aboutir. La parlementaire a donné l’exemple du Buy European Act, ambition porté par la France, mais que certains Etats membres appréhendent surtout comme une mesure protectionniste.

Il n’y aura probablement pas de réformes des directives marchés en 2024 étant donné le planning législatif, pense Luigi Martignetti, secrétaire général du Réseau européen des villes & régions de l’économie sociale (REVES). Pour autant, le cadre sera modernisé à terme. Et il faut donc se tenir prêt, a-t-il prévenu.

Pour retrouver les 8 propositions de France urbaine sur la plateforme de la Conférence sur l’avenir de l’Europe

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